UFC-Que Choisir de Nantes

Protection des données personnelles, Santé

Le dossier médical personnel

Créé par la loi du 13 août 2004 dans le cadre de la réforme mettant en place le médecin traitant et le parcours de soins, le DMP est, sur le principe, un service public gratuit, informatisé et initialisé après accord du patient.

Il concerne les bénéficiaires de l’assurance maladie. Il a pour objectif d’être un véritable carnet de santé toujours accessible via une messagerie sécurisée.

Actuellement, beaucoup de documents sont détenus par le médecin ou les établissements de santé. L’usager du système de santé est donc obligé d’effectuer des démarches, quelquefois longues, pour les consulter ou les obtenir. Plus encore, en cas d’urgence, il faut un certain temps pour y avoir accès. Le DMP devrait donc permettre de connaître immédiatement les antécédents médicaux du patient.

Le DMP contiendra les éléments essentiels pour le suivi médical (comptes-rendus hospitaliers et radiologiques, résultats d’analyses de biologie, antécédents et allergies, actes importants réalisés, médicaments prescrits et délivrés).

Le patient pourra le consulter à tout moment sur internet, à partir de ses codes personnels et confidentiels. Il peut en gérer l’accès via le portail internet et a la possibilité de masquer certaines données.

L’identification du patient repose sur un numéro d’identification nationale, celui-ci lui assurant la sécurité médicale. L’authentification se fera grâce aux codes reçus par courrier de son organisme d’assurance maladie. Le premier de ces codes servira pour l’ouverture du DMP, le second pour l’activation de l’accès internet.

L’usager désigne les professionnels de santé pouvant y accéder. Enfin, l’usager peut, à tout moment, décider de le fermer ou de le détruire.

Le DMP est aussi une façon d’éviter les actes redondants et les interactions de médicaments.

Le DMP doit permettre au patient une réelle prise en main de son parcours de santé, dans le respect du secret médical et de sa vie privée.

Pour les professionnels de santé, il doit être vu comme un document de liaison et d’échanges. Ainsi, la continuité des soins entre les différents acteurs devrait être mieux assurée. La Haute Autorité de Santé considère que c’est un « élément de la qualité des soins » et qu’en tant que tel « tout professionnel de santé doit veiller à la qualité de cet outil ». Le professionnel de santé autorisé y accède par une authentification (encadrée via internet, ou son logiciel de suivi des patients, installé sur son ordinateur).

L’accès au DMP est interdit au médecin du travail, au médecin d’une compagnie d’assurance ou d’une mutuelle.

Tout accès non autorisé constituerait un délit passible d’une peine d’emprisonnement et d’une amende.

L’hébergeur national en charge du déploiement informatique du DMP (ATOS/La Poste) a été retenu à l’issue d’un appel d’offre et agréé par décision du Ministère en charge de la Santé, par décret du 4 janvier 2006.

La mise en œuvre du DMP respecte le principe de consentement de la personne préalablement informé posé par la loi Kouchner de 2002.

D’autre part, la mise en œuvre informatique a été développée dans le strict respect des règles de protection des données personnelles sous l’autorisation de la CNIL.

La situation du déploiement en Pays de Loire

Depuis plusieurs années, de nombreuses expérimentations de développement ont été menées dans différentes régions. Dans les Pays de la Loire, la première expérimentation a eu lieu en 2007-2008 dans laquelle notre association s’était beaucoup investie. Les résultats n’avaient pas été très concluants en raison de problèmes techniques mais également à un manque de motivation des professionnels.

Un nouveau déploiement est actuellement en cours, par l’intermédiaire du groupement de coopération sanitaire (GCS) e-santé. Avec le soutien de l’Agence Régionale de Santé (ARS), il s’inscrit dans l’objectif du Projet Régional de Santé : « la personne au cœur des préoccupations du système de santé ».

Deux programmes ont été lancés pour soutenir le déploiement sur l’ensemble de la région depuis 2011 :

  • Le premier « DMP en établissement de santé » concerne la Clinique Brétéché, le CHU de Nantes et le Centre Hospitalier Loire Vendée Océan de Challans (intégrant l’hôpital de Machecoul).
  • Le second « DMP en bassin de santé » a pour but d’accompagner le déploiement et le développement des usages du DMP sur un territoire donné, plus particulièrement en première étape, dans les cinq bassins que sont le Nord Vendée, le Nord Mayenne, le Sud -Est du Maine et Loire (autour de Doué la Fontaine), St Nazaire (y compris Pornic et Le Croisic) et Nantes (pour les spécialités cardiologie et pneumologie). Ce programme par bassin vise principalement le déploiement en cabinet médical libéral et a pour objectif de mobiliser les médecins généralistes..

Quelques chiffres du déploiement (fin mai 2013)

En Pays de la Loire, près de 14 000 DMP sont ouverts, sur un total de 340 000 en France.

191 établissements de santé en France le déploient et c’est le cas de 5 établissements en Pays de la Loire (cela représente 80 % des DMP créés en Pays de la Loire), mais seulement 7 % de ces DMP ont été « alimentés », c’est à dire qu’au moins un élément médical a été incorporé.

Enfin, 4 427 médecins libéraux l’utilisent en France (8%), pour 104 professionnels de santé en Pays de la Loire (4%)

LA VISION DE L’UFC QUE CHOISIR NANTES

Notre association depuis 2007 s’est beaucoup investi dans le soutien au déploiement du DMP sur notre région :

  • Suivi de l’expérimentation au niveau régional de 2007 et 2008
  • Participation au Comité régional des systèmes informatiques de santé piloté par l’Agence Régionale de Santé (depuis 2011)
  • Présence dans le comité de suivi de mise en place au CHU de Nantes en 2012

Nous sommes favorables au déploiement du DMP :

  • Le DMP permet en effet aux usagers du système de santé de se responsabiliser en suivant leur parcours de santé. Le patient doit donc dès l’ouverture de son DMP être associé à toutes les interventions sur celui-ci.
  • Le DMP doit renforcer les évolutions de ces dernières années sur les droits des patients et en particulier leur accessibilité aux informations médicales les concernant..
  • Pour les professionnels de santé, cela devrait être un véritable outil de travail permettant de faciliter la coordination des soins et ceci dans l’intérêt des patients et des finances de l’assurance maladie.

Les résultats obtenus dans le déploiement sur notre région sont très décevants, en particulier à peine 10 % de DMP sont « alimentés ». Et dans ces dossiers, souvent un seul élément médical est intégré… ce qui ne sert à rien ! Nous regrettons que toutes les actions menées sur la région aient aujourd’hui pratiquement pour seul objectif l’ouverture de DMP, et non pas l’incorporation de données médicales pour ceux déjà ouverts.

Pourquoi les résultats ne sont pas à la hauteur des enjeux ?

A notre avis, il y a plusieurs raisons :

  • Un déploiement qui se heurte à des incompatibilités informatiques entre le système du DMP et les réseaux utilisés, dans les établissements et chez les professionnels de santé. Il aurait été plus utile de commencer par cette phase de mise à niveau, avant de faire croire aux usagers qu’ils auraient rapidement leurs données de santé en ligne.
  • Une énorme réticence d’une grande majorité de professionnels de santé, qui n’y croient pas ou y sont franchement hostiles.
  • Un réel manque de volonté politique d’accompagnement et de portage du projet de la part des autorités de tutelle : à titre d’exemple, la Ministre de la Santé vient d’annoncer une nouvelle réorientation du déploiement de ce projet, avec pour conséquence une démobilisation des acteurs impliqués.

Depuis 2004, au niveau national, près de 300 millions € ont été dépensés pour soutenir un grand nombre d’expérimentations, avec un résultat très faible

Nous posons donc la question : faut il continuer ce projet de déploiement du DMP, s’il n’y a pas une réelle mobilisation de tous les acteurs concernés, en particulier des professionnels de santé ?

Aujourd’hui, au vu de la situation locale, et malgré tout l’intérêt que nous portons au DMP, nous sommes enclins à répondre : STOP !


Avril 2018
par Fanny GUÉRIN, Gérard ALLARD