Débits frauduleux : la Banque Postale condamnée à rembourser
Les banques font décidément beaucoup de résistance pour appliquer la loi, en matière de débits frauduleux. Elles sont pourtant régulièrement condamnées, car la loi protège le client contre ces mésaventures.
C’est devenu presque banal, malheureusement : notre adhérente MB avait constaté sur son relevé de compte un « achat CDISCOUNT » pour plus de 1.130 €. Sa réclamation auprès de la Banque Postale, qui a refusé de rembourser.
Le plus étonnant dans ce contentieux, c’est la motivation des banquiers. Presqu’invariablement, ils prétendent que le remboursement n’est pas possible, parce que « l’opération a été validée par un code confidentiel, connu seulement du client ».
Pourtant, la loi est claire : la validation du paiement, même par un procédé sécurisé, « ne suffit pas nécessairement en tant que telle à prouver que l’opération a été autorisée par (le client) », ou que celui-ci aurait manqué à ses obligations de prudence « intentionnellement ou par négligence grave ».
Le raisonnement est simple : si la banque ne peut pas démontrer que le client n’a pas protégé ses données confidentielles bancaires « intentionnellement ou par négligence grave », elle doit rembourser le débit contesté.
Au lieu de s’attacher à faire cette preuve, la Banque Postale, comme d’autres, se contentait de rappeler que l’opération avait été validée par un code personnel à la cliente. Elle soulignait jusqu’au procès que « la saisie sur internet d’un code à usage unique, envoyé par SMS sur le téléphone mobile de la cliente, et que ce code a été nécessairement saisi par elle, ou divulgué ».
Cette motivation de refus n’a pas été retenue par le Juge. Celui-ci souligne que « La Banque Postale n’a fourni aucune preuve de ce qu’elle affirme, notamment la fourniture du code à usage unique, et surtout n’a produit aucune démonstration d’une négligence grave commise par sa cliente, pour écarter son obligation de remboursement ».
Notre adhérente a ainsi récupéré la somme de 1.300 €, ainsi qu’un supplément pour ses frais de recours (article 700).
Ce jugement s’inscrit ainsi dans une série continue de décisions favorables aux consommateurs, par simple application de la loi.
Ces règles du Code monétaire et financier (articles L 133-23 et 24, principalement) sont en vigueur depuis novembre 2009, et les banques se refusent toujours à les appliquer, avec une motivation que la loi écarte d’avance (« la validation par un code sécurisé ne suffit pas… à prouver la négligence grave »).
Pour les clients, il convient juste de se limiter à une réclamation, contestant simplement avoir consenti au paiement litigieux. Mais il ne faut surtout pas déposer plainte (c’est inutile, malgré les affirmations inexactes des banquiers). Il ne faut pas non plus relater les détails de l’opération (échanges avec un escroc, hameçonnage, arnaque bien faite), car cela fournit principalement des indications à la banque pour éventuellement souligner l’imprudence du client. Une imprudence que le Juge pourrait qualifier de « négligence grave », selon le comportement plus ou moins naïf de la victime.
Tribunal d’instance de NANTES, 13 décembre 2019, N° 11 19-000342
Comme nous l’expliquons chaque année dans le rapport d’activité, soumettre au Juge un litige de consommation, c’est une démarche simple, sans frais d’avocat, et les chances de l’emporter sont sérieuses, pour une affaire que l’association encourage à poursuivre (ce qui n’est pas toujours le cas).
Certes, il y a toujours un risque : un procès ne peut pas être présenté comme une certitude de victoire. Les raisons peuvent être multiples (preuves insuffisantes, conflits de règles applicables…). Mais c’est une excellente expérience citoyenne : un magistrat examine la situation, puis rend sa décision quelques semaines plus tard, et consacre le droit du client face à l’entreprise.
C’est le consommateur qui se rend à l’audience : l’association n’est pas avocat, et ne peut donc le représenter, mais le juriste prépare tout le dossier et notre secrétaire explique la marche à suivre.
Ce n’est pas parce que l’adversaire est représenté par un avocat qu’un simple particulier a moins de chances de gagner : le Juge est là pour appliquer le droit, pas pour donner une préférence à un professionnel des prétoires. Et les résultats obtenus par nos adhérents, depuis plus de 20 ans à NANTES, sont très encourageants !
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Novembre 2020 | par l’UFC-Que Choisir de Nantes |