Santé
Perturbateurs endocriniens, l’air de rien
Les perturbateurs endocriniens sont des composants chimiques, présents dans beaucoup de produits industriels. Leur interdiction ou limitation se heurte au lobbying de l’industrie pétrochimique, notamment au sein de l’Union européenne où, en dépit de l’annonce de l’urgence du problème en 1999, les mesures législatives permettant d’encadrer ces composants sont régulièrement reportées.
Selon WIKIPEDIA, « Ces molécules agissent sur l’équilibre hormonal de nombreuses espèces sauvages ou domestiques. Elles sont susceptibles d’avoir des effets indésirables sur la santé, en altérant des fonctions telles que la croissance, le développement, le comportement et l’humeur, la production (…), le sommeil (…), ainsi que la fonction sexuelle et reproductrice« .
Une centaine de scientifiques ont signé une alerte dans Le Monde du 29 novembre 2016 (« Halte à la manipulation de la science »)
« Jamais l’humanité n’a été confrontée à un fardeau aussi important de maladies en lien avec le système hormonal. La majorité des scientifiques engagés dans la recherche des causes s’accorde pour dire que plusieurs facteurs y contribuent, dont les produits chimiques. Ces produits chimiques appelés perturbateurs endocriniens comptent parmi eux :
- Les retardateurs de flamme présents dans les meubles et l’électronique.
- Les agents plastifiant dans les matières plastiques et les produits d’hygiène.
- Les résidus de pesticides dans notre alimentation.
Ils peuvent interférer avec les hormones naturelles, lors de périodes critiques du développement, pendant la grossesse ou la puberté, lorsque notre organisme est particulièrement vulnérable. Les effets des perturbateurs endocriniens sur la santé sont bien souvent irréversibles « .
Officiellement, la Commission européenne planche depuis des années sur une régulation des perturbateurs endocriniens, susceptible de protéger les citoyens. Endormie par les sirènes de l’industrie, elle tergiverse et retarde son avancement, sous des prétextes inspirés par les industriels eux-mêmes, et mal vérifiés. Dès 2009, les autorités européennes s’engageaient à traiter le problème des perturbateurs endocriniens, en commençant par les définir. Mais concrètement, rien n’a changé pour les citoyens, qui continuent à y être exposés quotidiennement. Plusieurs élus ont observé que des manœuvres de l’industrie et de fonctionnaires de la Commission sont intervenues pour disqualifier tout essai de définition objective et scientifique des perturbateurs endocriniens. Tant et si bien qu’en 2015, le Parlement a traduit la Commission devant la Cour de justice de l’Union européenne. La Commission a ainsi été condamnée en 2016, pour n’avoir pas accompli sa mission impérative. Ne pouvant plus reculer, elle a présenté ensuite trois propositions de définition, qui ont déclenché chaque fois un concert de protestations d’élus et de scientifiques, tant elles étaient favorables aux industriels.
La France affiche désormais l’ambition d’attaquer le problème dans toutes les réglementations, y compris pour les cosmétiques, les jouets et les emballages alimentaires. On exigerait des industriels trois niveaux de preuves : risques avérés, présumés et suspectés. Il semble donc qu’au moins au niveau de l’intention les choses commenceraient à bouger. La prochaine campagne de surveillance sanitaire de l’alimentation menée par l’ANSES (sécurité sanitaire des aliments) va prendre en compte les perturbateurs dans ses missions. L’exécutif annonce mobiliser les industriels et les distributeurs, afin de substituer les perturbateurs endocriniens dans les produits de consommation courante. Cela reste pourtant une mobilisation très modeste, qui prévoit des engagements volontaires…
En définitive, nous pensons qu’il ne faut plus attendre. La pression des industriels sur les pouvoirs publics est telle que les choses n’avancent pas. Dans ces conditions, c’est aux consommateurs eux-mêmes de s’organiser. De nouveaux moyens le permettent, et ils sont très efficaces. Par exemple, l’application QUELCOSMETIC, mise à disposition gratuitement par l’UFC-Que choisir, connait un succès formidable : plus d’un million de téléchargements. Or, les Français sont de plus en plus sensibles à ces questions de santé, et aux dangers de la chimie dans le quotidien. Beaucoup choisissent désormais leur savon, gel douche, rouge à lèvres ou mouse à raser après avoir vérifié, avec leur mobile, le score sanitaire du produit. Le phénomène est en train de causer la panique chez les industriels, qui voient dévisser les ventes des crèmes de jour et déodorants les plus suspects.
Voilà l’avenir : procurer au consommateur l’information directe, au moment de l’achat, gratuitement et facilement, pour lui permettre de décider lui-même. Il faut bien sûr que cette information soit fiable. C’est pourquoi notre fédération publie le référentiel scientifique sur lequel s’appuient les résultats fournis par l’application QUELCOSMETIC. Ce logiciel et son répertoire ont été financés par le fonds de dotation de notre Mouvement, alimenté par les dons des particuliers, et surtout ceux des publications QUE CHOISIR.
Ce modèle économique est robuste, parce qu’il n’a pas besoin des pouvoirs publics ou des entreprises, ni d’un péage utilisateur, pour se développer : le financement provient des consommateurs eux-mêmes.
Une nouvelle application pour l’alimentaire sera bientôt mise à la disposition du public, toujours gratuitement, toujours indépendante, toujours vérifiable.
Mars 2019 | Jean BOURDELIN |