UFC-Que Choisir de Nantes

Santé

Alimentation et biodiversité

Pour mémoire, le PAT est le Programme Alimentaire Territorial, auquel notre association participe pour aller vers une alimentation saine et si possible de proximité. Je ne prétends pas vous établir une revue de détail de tous les sujets qui y sont abordés, mais quelques points ont retenu mon attention.
Lors d’une séance d’élaboration du programme, vint à l’ordre du jour le sujet de « la vache nantaise ». On agita tellement la pauvre bête qu’elle en cailla son lait. Il faut savoir que la vache nantaise est issue d’une race supérieure, hélas disparue à ce jour, qui fut la vache du Mézenc (en Ardèche : bassin des sources de la Loire). Avides de voir où se rendait l’eau de cette petite rivière, de rudes paysans, géographes, explorateurs, philosophes et artistes décidèrent d’en descendre le cours, accompagnés de quelques bêtes sur pieds pour assurer leur pitance. Arrivés sur la mer d’alors, sensiblement identique à la mer d’aujourd’hui, les bovins résiduels se répandirent dans la pampa, engendrant ainsi une nouvelle race que les tribus locales adoptèrent puis baptisèrent quelques siècles plus tard du nom de vache nantaise. Ah ! la vache.
Pour anecdote, la vache du Mézenc, dans sa version contemporaine, broute gaiement au printemps et à l’été un fourrage très dense en diverses fleurettes, procurant à sa viande un goût somptueux. C’est dans cette région que venaient s’approvisionner les parfumeurs de Grasse. Le dernier camion chargé de 7 tonnes de fleurs séchées a parcouru son ultime voyage il y a quelques années.
Mais revenons à la vache nantaise. Lors d’une séance consacrée au programme alimentaire territorial, donc, un obscur membre alternatif de ce cercle avisé s’avisa de se prononcer sur cet honorable animal. Il affirmait que, pour le bon équilibre de la prairie et de la vache, il y avait lieu de respecter un taux d’occupation de 2 bêtes par hectare, dans les zones humides et autres prairies inondables. On imagine alors que, pour nourrir les 754 231 habitants de notre agglomération avec cette viande, il faudrait disposer de milliers d’hectares en prairies.
Je voulais ajouter quelques observations concernant la lamproie, qui nous est vantée sans ménagement alors qu’il s’agit d’un dangereux prédateur. Ce poisson bouleverse les fonds de rivière en déplaçant les cailloux. Ce n’est pas sans conséquences nocives sur la qualité des eaux. Mais je ne m’étendrai pas, risquant d’en contrarier certains. Créons aussi un zoo de la lamproie. Quant à y être, retenons aussi le silure, gros et quelquefois très gros poisson de Loire, dont les vertus commencent à être remises en valeur.
Mais venons-en maintenant à la plus fantastique contrevérité entendue ce jour-là. Dans un souci d’apaisement, j’avais proposé que les zones humides ou inondables puissent avoir plusieurs vocations : élevage, conservation en l’état, discrets aménagements en vue de préserver la biodiversité. Et voilà-t-il pas que l’éventualité d’une conservation en l’état fut dézinguée avec une violence inouïe, qui ne manqua pas de m’étonner de la part de leurs auteurs. Le coup de massue résulta d’un argument aussi stupide que catégorique : en aucun cas les espaces de type mangrove ne sont des réservoirs de biodiversité, bien au contraire, il s’agirait de zones mortes, foutues, bannies.
Cette sottise révèle en réalité l’ignorance de l’histoire ancienne de notre planète et de l’homme. Alors, rétablissons la vérité.
Il ne faut pas remonter jusqu’au déluge, mais juste avant. À cette époque vivait un certain Noé qui, selon la rumeur, était un cas. Il mit donc sur l’eau une arche qu’il emplit de toutes les races animales qu’il put trouver. La pluie tomba. L’eau monta. Il appareilla. Puis il put enfin mettre pied à terre, perché dans le plateau arménien, sur le mont Ararat. Ce fut une grande satisfaction pour lui, car on lui avait refusé l’embarquement de rats, prétextant qu’il n’en manquerait pas sur ledit mont. La population locale, dont la reine Sémiramis (de passage pour un séjour balnéaire), lui confirma qu’il avait eu bien de la chance, arrivant au moment de la décrue. En effet, toutes les terres environnantes n’étaient que mangroves peuplées (tenez-vous bien) entre autres de la tétraogalle de Perse, de perdrix Bartavelles, et sur quelques ilots, de nombreuses variétés de trèfle et de vésor, de fétuque du mouton, d’anudonnier sauvages, d’espèce d’élymus, et même suprême bonheur, de cornifle immergé.
En d’autres termes, cette mangrove donna naissance à ce que l’on appelle aujourd’hui communément la biodiversité. Dans nos contrées, ce phénomène fut concrétisé par la création d’un parc naturel de 87.000 ha, essentiellement de zones humides. Et ce ne sont pas les affirmations fantaisistes d’ignares patentés qui vont combattre cette évidence.
Ainsi se résume l’évolution de nos sociétés : mangrove, zones humides, drainage, bétonnage, immeubles de grande hauteur, espaces verts et terres arables sur les toits des mêmes immeubles.
J’espère avoir ainsi déjoué les tentatives de manipulation orchestrées dans le cadre du programme alimentaire territorial. Cette magistrale démonstration nous permettra, entre autres, d’harmoniser nos vues avec celles du comité permanent Loire. Cela devrait enfin encourager une alimentation saine et abondante, dans un milieu préservé de biodiversité.
Si vous m’avez compris, c’est que je me suis mal exprimé.
Bien à vous, bonnes vacances tardives, joyeuses fêtes, et toutes ces sortes de choses.

Octobre 2021 par Jean BOURDELIN