Construction de maison : chantage aux clés à la réception
Pour la construction de maison individuelle (contrat dit « CMI »), certains constructeurs ou pavillonneurs exercent un véritable chantage à la remise des clés. Lors du rendez-vous de fin de chantier, pour la réception des travaux, ils exigent la signature du procès-verbal, sans réserves, avec remise du solde du prix intégral, donc sans retenue de 5 %. Le client-acquéreur se trouve coincé, car il a souvent mis fin à sa location pour emménager dès la réception : il accepte donc toutes conditions pour obtenir les clés.
Dans tous les cas, votre intérêt (et votre obligation) est de signer le procès-verbal de réception : c’est en effet le point de départ de vos garanties de construction (parfait achèvement, décennale, dommages-ouvrage).
Vous ne pouvez pas refuser cette signature au constructeur, surtout si la maison est habitable en l’état. C’est seulement si votre conseil (architecte, expert) constate que les désordres ou manquements sont trop graves et trop nombreux, que vous pouvez différer votre signature.
Connaître ses droits le jour de la réception
Si vous n’êtes pas assisté par un expert, le Code de la construction et de l’habitation protège vos intérêts dans un contrat de type CMI.
Même si vous avez signé un procès-verbal de réception sans réserves, vous disposez de huit jours après la remise des clés, pour signaler tout défaut ou malfaçon apparents au constructeur par lettre recommandée (article L 231-8). Il s’agira de réserves complémentaires, que le constructeur devra alors réparer.
Le solde du prix ne doit être payé que (article R 231-7-2°) :
- Soit dans les huit jours après remise des clés, si la réception est signée sans réserves.
- Soit dans les huit jours après levée de toutes les réserves sur les défauts signalés lors de la réception (réparation des malfaçons).
ATTENTION : ces délais de 8 jours n’existent plus si vous êtes assisté par un professionnel du bâtiment (expert, architecte) pendant la réception. Mais dans ce cas, c’est ce professionnel qui vous protège, en notant tous les défauts. Il n’est pas utile de vous rapprocher d’un huissier de justice : celui-ci fera un constat, sans expliquer les désordres techniques.
Tous les défauts signalés sur le procès-verbal de réception sont couverts par la garantie de parfait achèvement.
Les autres défauts, encore invisibles à la réception, sont couverts par la garantie de parfait achèvement (tout défaut, même mineur, toute finition), pendant un an à compter de la réception. Mais attention : il est indispensable d’entamer une procédure judiciaire avant l’expiration de ce délai (à compter de la réception). En effet, une lettre RAR, et même un constat d’huissier ou d’expert, ne suffit pas à interrompre le délai de garantie d’un an.
Les défauts de fonctionnement des appareils (chaudière, ventilation, serrure) sont garantis pendant 2 ans (garantie biennale ou garantie de bon fonctionnement).
Les défauts graves, qui constituent des vices de construction (défaut qui affecte la solidité ou la fonction même de l’ouvrage) sont couverts pendant 10 ans (garantie décennale). Leur indemnisation sera plus rapide avec une déclaration à l’assureur de dommage-ouvrage.
Chantage aux clés : changer le rapport de forces
Si on refuse de vous remettre les clés sans le règlement du solde, voilà ce que vous pouvez faire.
- Signez le procès-verbal, avec ou sans réserves (vous pourrez les faire par lettre, ensuite). Prenez soin simplement de garder sur vous un exemplaire de ce document, que vous venez de signer : cet acte fait de vous le propriétaire effectif de la maison, et ce logement devient de ce fait votre domicile !
- Refusez ensuite de payer le solde (vous pouvez retenir normalement 5 %). Précisez alors que vous vous ferez ouvrir la porte de votre nouveau domicile par un serrurier, et que tous les frais d’ouverture, d’achat et de remplacement des serrures seront imputés sur la retenue, que vous aurez gardée.
Cette pratique est imparable : dès que vous détenez en main un exemplaire du procès-verbal de réception, vous êtes réputé propriétaire des murs, et ce logement est devenu votre domicile.
En vertu de la législation du domicile, personne ne peut vous en refuser l’accès, et vous êtes maître des serrures : leur remplacement serait donc immanquablement à la charge du constructeur.
Avec ces explications que vous lui donnerez, son procédé peu recommandable est complètement déjoué…
Votre association UFC-Que Choisir de Nantes pourra vous aider ensuite à obtenir la réparation des désordres par le constructeur ou à ses frais s’il ne s’exécute pas.
Notre guide pratique sur les travaux immobiliers pourra aussi vous intéresser : nous vous expliquons comment éviter les pièges et préserver vos droits lors de vos travaux de construction ou de rénovation !
Avril 2020 | par l’UFC-Que Choisir de Nantes |