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Moins de produit pour plus cher : l’inflation inspire les tricheurs

Certains industriels ont adopté en période d’inflation une pratique trompeuse, appelée shrinkflation de son nom anglo-saxon, ou réduflation en français. Cela consiste à réduire la quantité de produit dans l’emballage (en modifiant la forme de ce dernier afin que le consommateur ne se rende pas compte du changement) tout en augmentant le prix de l’article. Ce procédé conduit mécaniquement à une hausse parfois considérable du coût unitaire (par kilogramme ou par litre).
Par le passé, des règles de droit précises imposaient des quantités spécifiques pour divers produits de grande consommation. Mais avec la libéralisation généralisée des marchés, une directive européenne a supprimé cet encadrement des volumes, au nom de la libre concurrence. Un décret du 8 octobre 2008 a consacré en France l’abandon de cette contrainte pour les producteurs. Fini donc le paquet de farine de 1 kg valable pour toutes les marques, il peut maintenant faire librement 750 ou même 824 grammes. Cette directive ne facilite en rien la comparaison des prix pour les consommateurs. En effet, les clients doivent, pour mesurer ce rapport, s’en remettre aux prix unitaires (au kilogramme ou au litre), affichés trop souvent en caractères très petits sur les étiquettes et rayonnages.
L’explosion des coûts alimentaires depuis 2022 a conduit au retour du débat sur la réduflation chez les acteurs de la grande distribution. Les industriels prétendent qu’en l’état de la législation, modifier l’emballage et le prix relève de la liberté du commerce. Dès lors, réduire la quantité en augmentant le prix n’a rien d’illégal. Mais le ministère de l’Économie s’est emparé du sujet, et a décidé d’imposer le signalement de cet usage dans les grandes surfaces alimentaires.
Ainsi, depuis le 1er juillet 2024, l’indication des produits relevant de cette pratique commerciale est devenue obligatoire à la vente. Étant donné qu’il y a plusieurs milliers de références dans les rayons, et que les gammes se renouvellent fréquemment, une enquête nationale portant sur l’affichage en magasins des produits concernés par la réduflation a été réalisée.
Entre le 1er et le 6 juillet dernier, 454 super et hypermarchés ont été visités dans toute la France (en Loire-Atlantique : 22 magasins visités par 12 enquêteurs). Dans toute la France, plus d’une dizaine d’enseignes différentes ont été contrôlées, toutes d’implantation nationale.
Le constat réalisé est désastreux. Alors que n’importe quel magasin respectueux de la loi devrait présenter plusieurs dizaines d’affichettes de signalement, il s’avère que 95 % des enseignes visitées n’en apposent aucune dans leurs rayonnages. Et pour ceux qui appliquent un peu mieux la règle, seuls 2 % des distributeurs indiquent plus de 10 articles concernés (principalement les établissements du groupe U, dont 20 % des magasins apposent un visuel).
Lorsque l’indication est présente, la solution retenue pour repérer les produits désignés consiste en une affichette plus ou moins visible, collée à proximité du linéaire. Malheureusement, les informations y figurant ne sont pas toujours complètes ou correctes. Par exemple, les changements de conditionnement ne sont pas systématiquement précisés, des pourcentages d’augmentations sont manifestement erronés ou bien les variations de prix à l’unité de mesure sont manquantes. De même, certains produits sont signalés alors que le prix au kilogramme n’a pas évolué, qu’il n’y a pas eu de modification du conditionnement ou que ces derniers remontent à au moins 2 ans.
En bref, pour le moment, les obligations d’indications ne sont pas suffisamment respectées dans la grande distribution. C’est anormal, et en contradiction avec l’acharnement des enseignes à convaincre de leurs efforts pour vendre au moins cher.
Espérons que cette anomalie disparaîtra très rapidement, afin que les consommateurs puissent choisir leurs produits en toute transparence.
December 2024 | par l’UFC-Que Choisir de Nantes |