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Immobilier – Construction de maison : quand le constructeur ne répond plus

Après avoir mis dans la construction d’une maison beaucoup d’énergie et d’argent épargné ou emprunté, il est important de se prémunir contre les imprévus qui pourraient contrarier le projet. La formule la plus sûre est le contrat de construction de maison individuelle (CCMI). Ses conditions générales sont fixées par la loi, avec un prix est ferme et définitif, un délai de livraison garanti, et le constructeur comme seul interlocuteur. En cas de défaillance de ce professionnel, les solutions sont également prévues par le Code de la construction et de l’habitation (CCH).
Depuis la loi n° 90-1129 du 19 décembre 1990 relative au contrat CMI, la garantie de livraison, dite « à prix et délai convenu« , permet au client de surmonter un abandon de chantier ou la faillite du constructeur. Cette garantie est fournie par un organisme financier : elle doit obligatoirement être mentionnée au contrat, avec une attestation détaillée en annexe.
Le cas de la défaillance du constructeur toujours en activité
Le garant financier doit prendre en charge la poursuite des travaux en cas d’abandon du chantier : il désigne une entreprise qui reprend le marché pour achever la construction (article L 231-6 III CCH).
En cas d’interruption prolongée des travaux, de retard par rapport au délai prévu pour la réception de la maison, ou lorsque les réserves formulées à l’achèvement n’ont pas été réparées, la première étape consiste à mettre en demeure le constructeur d’exécuter ses obligations.
Si cette démarche reste infructueuse 8 jours après réception de ce courrier, le client peut avertir le garant, qui va lui-même ordonner l’exécution au constructeur par acte d’huissier (aujourd’hui commissaire de justice).
A défaut de réaction dans les 15 jours suivants, la garantie s’applique et le garant « procède à l’exécution de ses obligations » : en clair, il doit alors désigner un constructeur qu’il va payer pour finir le chantier ou réparer les réserves à réception.
Si l’avancement du bâtiment a atteint le stade « hors d’eau » (la toiture de la maison est étanche à la pluie), le garant peut proposer au client de conclure lui-même des marchés de travaux avec des entreprises, et il versera directement les sommes dont il est redevable.
Le cas de la liquidation judiciaire du constructeur
L’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire a pour conséquence la disparition pure et simple de l’entreprise : le liquidateur recense les créances et dettes en cours, mais il n’est pas chargé de poursuivre l’activité.
Dans cette situation, il n’y a pas lieu de mettre en demeure, mais le garant financier averti par le client va, là aussi, prendre le relais.
La reprise des travaux à l’initiative du garant emporte plusieurs conséquences
- D’abord, le garant financier couvre la livraison de la maison sans dépassement de prix pour le client. Si la reprise des travaux entraîne un dépassement du prix initialement convenu, c’est l’organisme qui prend en charge les coûts supplémentaires, sauf une franchise de 5 % du prix convenu. Cette marge sera donc supportée par le client, et par le garant au-delà.
- Ensuite, le garant prend en charge les pénalités de retard à la livraison, avec là aussi une franchise de 30 jours. C’est la loi qui fixe les pénalités dues en cas de retard de livraison, soit 1/3000ème du prix convenu par jour. La définition du retard relève aussi de la loi : il se calcule par jour calendaire (donc y compris samedis, dimanches et fêtes), mais ne comprend pas les fortes intempéries, selon les relevés officiels de Météo France, et s’achève à la réception effective (pas à la date de réparation des dernières réserves).
- Enfin, le client bénéficie d’un délai supplémentaire pour signaler les défauts apparents lors de la livraison. Ainsi, l’entreprise désignée par le garant pour finir le chantier est également tenue de réparer les désordres mentionnés au procès-verbal de réception et ceux notifiés dans les 8 jours suivants par lettre recommandée.
Par la suite, l’entreprise remplaçante est encore tenue des garanties légales attachées au contrat de construction : la garantie de parfait achèvement pendant un an (pour tout défaut, même mineur), la garantie biennale de bon fonctionnement (pour les équipements « destinés à fonctionner« ) et la garantie décennale (pour les vices de construction).
L’assurance de dommage ouvrage est une protection qui couvre le client en cas de vice de construction (uniquement), qui lui permet d’être indemnisé rapidement, sans avoir à subir les renvois entre assureurs des différents intervenants. Elle est obligatoirement souscrite dans un contrat CMI.
L’exemple de la liquidation du constructeur CA-CMI (ARTI CREATIONS)
Madame A avait souscrit un CCMI avec le constructeur ARTI CREATIONS. Quelques années plus tard, au cours des travaux, ce professionnel a été placé en liquidation judiciaire, de sorte que le garant AXA a désigné un constructeur repreneur pour terminer le chantier, à savoir l’entreprise COGEMI (MAISONS BOUVIER).
Dans le délai de 8 jours après la réception de sa maison, la cliente a signalé par courrier RAR à COGEMI des désordres au titre des réserves à réception, notamment la VMC de la cuisine particulièrement bruyante, qui avait été posée par le constructeur initial ARTI CREATIONS.
En réponse, le constructeur repreneur a annoncé ne pas pouvoir « traiter directement [les] demandes relatives au SAV« , qui selon lui ne relevait pas de son marché.
Madame A a donc fait appel à l’association : après un courrier RAR de notre part, la société COGEMI a d’abord tenté de se soustraire à ses obligations en prétendant qu’elle n’avait pas à « assumer les garanties légales attachées au contrat de construction« .
Mais l’entreprise a finalement accepté de procéder à la levée des réserves en expliquant faire un geste commercial, ce qui constituait en réalité la simple exécution de ses obligations contractuelles.
En effet, les désordres signalés par Madame A constituaient des réserves à réception, dont la réparation s’imposait donc au constructeur repreneur, seul présent à cette formalité. Il importe peu que le constructeur repreneur n’ait pas réalisé ces travaux de VMC prévus au contrat CMI initial, dès lors qu’il a été mandaté par le garant AXA pour achever la construction, réceptionner les travaux (donc la totalité, depuis le début du chantier) et ainsi assumer les garanties légales attachées au contrat de construction.
De toute façon, à défaut d’exécution du constructeur dans les 15 jours, Madame A aurait pu réclamer la prise en charge des réparations par le garant AXA directement, puisque la loi met à sa charge le coût des réserves à réception (article L 231-6 IV CCH).
Article rédigé par Margaux PAILLET, juriste, UFC-Que Choisir Nantes.
July 2025 | par l’UFC-Que Choisir de Nantes |