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Duplomb dans vos assiettes c’est non : une loi destructrice et rétrograde

Depuis le début de l’année, la santé des consommateurs est menacée par une proposition de loi qui se dit bénéfique pour faciliter le métier d’agriculteur. Bien au contraire, c’est une fois de plus les lobbies agricoles et des pesticides qui ont poussé un texte servant leurs intérêts et celui de l’agriculture intensive au détriment de la santé de tous, de la protection de l’environnement et du développement d’exploitations responsables. Une loi qui passe malgré la réticence d’une partie du monde agricole, d’associations et de l’opinion publique. Mais la mobilisation citoyenne ne laisse pas passer ces mesures toxiques sans sourciller.
Chronologie d’un passage Duplomb en force
La proposition de loi du nom de son corédacteur, le sénateur Duplomb, réellement intitulée « Lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur » déposée en décembre 2024, est votée au Sénat le 28 janvier 2025. Le 27 mai suivant, son examen devait passer à l’Assemblée nationale, mais il en a été autrement. Pour esquiver le débat parlementaire, une motion de rejet est alors votée par des députés en faveur d’une agriculture intensive et propesticide. C’est ainsi que le texte passe en commission mixte paritaire, composée de seulement 14 parlementaires, sans débat dans l’hémicycle, sans considérer les contestations citoyennes et sans changement majeur. Le 8 juillet dernier, elle est définitivement adoptée par l’Assemblée nationale avec un total de 316 voix pour et 223 contre.
Pourquoi avoir Duplomb ce n’est pas bon
L’arrivée de cette loi, c’est un pas en arrière de 10 ans en matière de protection pour la santé humaine et environnementale.
  • Elle autorise la réintroduction de certains pesticides comme les néonicotinoïdes, néfastes pour les insectes pollinisateurs garants du maintien de la biodiversité, et elle met fin à l’interdiction de promotions et rabais sur la vente de pesticides, visant à diminuer leur utilisation.
  • Elle limite l’utilité de l’Office français de la biodiversité (OFB), avec sa mise sous tutelle préfectorale. Les missions de surveillance et de contrôle de la nature seront donc régies par des préfets et des procureurs à la place des ministères chargés de l’écologie et de l’agriculture.
  • Elle favorise l’accroissement de l’élevage industriel en assouplissant les seuils autorisés des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). Des fermes usines encore plus grosses, des procédures environnementales retirées, des rejets toxiques aggravés, etc. C’est un risque majeur pour les citoyens proches de ces exploitations et le bien-être animal.
  • Elle facilite une plus grande appropriation et pollution de l’eau aux nitrates et autres pesticides alors que les périodes de sécheresse se font de plus en plus présentes et que l’usage raisonné de l’eau devrait être une priorité.
Seule une modification est à souligner par rapport au texte initial. Dans sa première version, il était demandé une mise sous tutelle de l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail). La commission mixte paritaire aura finalement au moins préservé l’indépendance scientifique de l’agence grâce à l’opposition et à la demande des associations.
Qui veut Duplomb dans notre région
Au total, c’est 564 députés qui ont participé au vote le 8 juillet dernier selon les pourcentages suivants : 56 % pour et 40 %, contre avec 4 % d’abstentions. Dans la région des Pays de la Loire plus particulièrement, c’est 14 voix pour, 12 voix contre et 3 abstentions selon les répartitions ci-dessous.
En Loire-Atlantique, ce sont les députés Sophie Errante et Jean-Michel Brard qui se sont abstenus.
Pour rendre ces résultats visibles et transparents par l’ensemble des citoyens, il est possible de les retrouver sur plusieurs plateformes en fonction des groupes politiques, des localités, des noms des élus, etc.
  • Datan : outil indépendant qui vise à mieux comprendre le fonctionnement et rendre compte de l’activité parlementaire des députés.
  • ParlemenTerre : site développé par l’association Agir pour l’environnement, mis en ligne en mai 2022 dans le but de dresser le bilan du mandat des députés sortants en matière d’écologie. Depuis, le site a continué d’évoluer pour aujourd’hui notamment mettre en lumière les votes de la loi Duplomb.
  • Shaketonpolitique : site généré par l’association Générations Futures qui facilite la mobilisation citoyenne par le biais de consultations, de pétitions et d’interpellations auprès des décideurs et personnalités politiques.
Une forte mobilisation citoyenne contre l’aberration Duplomb
Déposée le 10 juillet sur la plateforme de l’Assemblée nationale par une étudiante en master QSE et RSE, la pétition Non à la Loi Duplomb, pour la santé, la sécurité, l’intelligence collective dénonce « une aberration scientifique, éthique, environnementale et sanitaire » qui « représente une attaque frontale contre la santé publique, la biodiversité, la cohérence des politiques climatiques, la sécurité alimentaire, et le bon sens ». Elle met en avant l’absence de prise en considération de textes comme « le rapport Brundtland, l’Évaluation des écosystèmes pour le millénaire (MEA), les rapports du GIEC, les études de l’OMS, de l’INRAE, de Santé publique France… » qui « alertent depuis des décennies sur les conséquences des politiques destructrices du vivant et de la santé. » Enfin, elle souligne le fait que « selon l’article L110-1 du Code de l’environnement, l’État français est garant de principes environnementaux » alors que cette loi en est à l’opposé.
En seulement 14 jours, le manifeste recueille plus de 1 890 000 de signatures.
Concrètement, au-delà d’être un message fort de la contestation des citoyens de l’ensemble du territoire, c’est aussi le moyen de faire repasser le texte dans le débat parlementaire. Bien que ce ne soit pas obligatoire, c’est à 500 000 signatures que la Conférence des présidents de l’Assemblée nationale peut organiser un débat en séance publique. Actuellement en pause parlementaire jusqu’à septembre, la pétition a d’ici là le temps de s’envoler davantage pour renforcer la pression citoyenne et inverser le rapport de forces politiques.

July 2025 par l’UFC-Que Choisir de Nantes