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On a gagné en justice : La commande d’une cuisine aménagée sans prise de mesures préalable sur place est nulle

Il devrait être impossible à un professionnel de vendre un projet de cuisine dans son magasin, et à plus forte raison dans une foire. Notre association défend depuis des années les clients trompés lors d’une transaction interminable pour leur faire miroiter des remises invraisemblables, alors qu’aucune prise de cotes au domicile n’a été réalisée. Cette fois, c’est le tribunal qui a confirmé cette analyse.
Notre adhérente MV. s’était laissée tenter sur le stand de la société HOME DESIGN, à la foire de Nantes. Elle avait signé pour un projet de salle d’eau dans son logement, pour 20 000 €, et versé ce même jour un acompte de 8 000 € (40 %). Mais le schéma avait été brossé sur le stand, en l’absence de tout mesurage dans l’appartement au préalable. Il en est d’ailleurs toujours ainsi avec une vente en foire, et aussi lorsque la transaction se déroule en magasin. C’est pourtant le professionnel qui est seul responsable de la prise de mesures sur place, et un plan grossier ou même d’architecte apporté par le client ne peut pas remplacer cette opération qui incombe à l’entreprise. En effet, tout projet d’installation de meubles adaptés aux dimensions d’un logement (le plus souvent une cuisine ou une salle d’eau) dépend, par construction, de la configuration du lieu. Dès lors, une offre détaillée établie par le vendeur en magasin ou en foire ne peut pas être parfaitement exacte. Autrement dit, le professionnel ne peut pas prétendre avoir respecté son obligation de conseil d’une part, et l’acheteur ne peut pas avoir valablement consenti à une telle offre approximative d’autre part. Ce raisonnement résulte d’une jurisprudence ancienne, rendue dans les affaires VOGICA, du nom d’une chaîne de meubles qui écumait les foires et salons. La cour d’appel de Grenoble avait jugé le 19 janvier 2009, que « En cas de vente et d’installation de meubles et d’appareils électroménagers, il est nécessaire de réaliser au préalable un plan technique de la pièce et le faire accepter et ratifier par les clients ». La Cour de cassation a confirmé cette position dans un arrêt du 1er mars 2011 (N°10-14096). Elle reprochait à la cour d’appel de Rennes de n’avoir pas prononcé « la nullité du contrat initial pour défaut d’accord sur la chose vendue, l’objet de la vente n’ayant pas été préalablement déterminé par un plan technique, approuvé par (le client) ». C’est l’argumentaire que nous soutenons depuis des années pour faire annuler ces ventes souvent précipitées, à l’usure, dans les foires ou même les magasins de cuisinistes. Nous avons donc proposé à Madame MV d’obtenir le remboursement de son acompte de 8 000 €. Après mise en demeure infructueuse, il a fallu engager un procès devant le tribunal de Nantes, alors que nous remportons souvent une solution à l’amiable dans ces affaires. Le juge a suivi exactement notre analyse. Il souligne d’abord que « les dispositions de l’article L 111-1 du Code de la consommation imposent au professionnel de fournir au consommateur les caractéristiques essentielles des biens ou services proposés ». Il constate ensuite que « Madame MV a signé un bon de commande pour une somme de 20 000 € et remis un chèque de 8 000 € (encaissé ensuite), sans visite préalable et donc sans que les dimensions et l’agencement de la pièce à aménager aient été mesurées par le vendeur ». Il en déduit ainsi que « les caractéristiques essentielles de la salle de bains ne pouvaient être détaillées précisément au contrat, de sorte que le consentement de Madame MV. a été vicié, ce qui implique l’annulation de la commande ». La société HOME DESIGN, absente à l’audience, est condamnée au paiement de la somme de 8 000 € en principal, et 500 € au titre des frais de recours (le maximum demandé).
Jugement du tribunal judiciaire de Nantes du 11 octobre 2024 (N° 24-1177)
| October 2025 | par l’UFC-Que Choisir de Nantes |


