UFC-Que Choisir de Nantes

Santé

Covid 19 : des problèmes, des leçons, des propositions

Depuis des années, nous utilisons des pesticides pour détruire les nuisibles présents sur nos cultures, nos plantes, nos animaux domestiques. L’impact de ces produits sur notre santé est pourtant bien réel. Dès le début des années 2000, les premières mesures concrètes visant à diminuer l’utilisation des pesticides ont été adoptées en France. Mais vingt ans après, le problème est toujours d’actualité.
Des engagements issus du Grenelle de l’environnement
Suite au Grenelle de l’environnement de 2007, l’État s’est engagé par le plan Ecophyto I, à réduire, si possible, de 50 % l’usage des pesticides d’ici 2018. Les premiers résultats étant très mitigés, un nouveau plan Ecophyto II, en 2015, a été élaboré pour diminuer de 50 % l’usage des pesticides d’ici 2025. De plus, depuis 2008, les denrées alimentaires commercialisées sur le marché européen doivent respecter les limites maximales de résidus de pesticides (LMR) autorisées. Il s’agit d’un seuil réglementaire de concentration de résidus de produits pesticides, au-delà duquel la commercialisation d’un produit alimentaire n’est plus autorisée. En 2017, une nouvelle avancée a été obtenue avec l’adoption de la Loi « Labbé ». Elle interdit aux personnes publiques (l’État, les collectivités territoriales et leurs regroupements, les établissements publics) d’utiliser des produits phytosanitaires pour l’entretien des espaces verts, voiries, promenades et forêts, ouverts au public. Et depuis le 1er janvier 2019, l’interdiction d’utilisation s’étend aux particuliers.
L’utilisation des pesticides en France
Malgré ces mesures, l’usage des pesticides est encore trop fréquent en France. Si l’on rapporte la quantité de produits phytosanitaires à l’hectare cultivé, la France se classe au 9e rang derrière entre autres l’Italie, l’Espagne, l’Allemagne. Le monde agricole et les industriels consomment la plus grande part des pesticides commercialisés chaque année en France. Cependant, l’étude Pesti’home réalisée en 2014 a montré que sur 1507 ménages, 75 % d’entre eux utilisaient au moins un produit contenant des pesticides par an. Cet usage concerne notamment la protection des plantes, la lutte contre les insectes, les rongeurs, les parasites et moisissures.
Les pesticides utilisés par les agriculteurs, les industriels et les ménages sont ensuite retrouvés dans l’air extérieur, dans l’air des logements, mais aussi dans l’eau. Il est à noter qu’il n’existe aucune réglementation sur la teneur en pesticides dans l’air. Une étude de l’UFC-Que Choisir a montré en 2016 que 92 % des cours d’eau français étaient contaminés par des résidus de produits phytosanitaires (il s’agit ici de l’eau non traitée). Pour ce qui est de l’eau que nous consommons, en 2017, en Pays de la Loire, seulement 78 % de la population était alimentée par une eau conforme en matière de pesticides. Et 90 % des situations de dépassement étaient liées aux produits de dégradation de 2 herbicides : l’alachlore interdit depuis 2003 et le métolachlore interdit depuis 2008 et remplacé en agriculture par le S-métolachlore.
Pesticides et alimentation
Outre la présence de pesticides dans l’air et l’eau, selon l’OMS la principale source d’exposition provient de l’alimentation.
Les fruits et légumes les plus exposés sont le raisin, la clémentine ou mandarine, la cerise, le pamplemousse, la fraise, la nectarine ou pêche, le céleri (branche ou rave), l’endive et la laitue. Tandis que les fruits et les légumes les moins exposés sont la prune, la mirabelle, le kiwi, la betterave, l’igname et les asperges.
Pour éviter d’ingérer des pesticides par l’alimentation, beaucoup de consommateurs se tournent vers l’agriculture biologique. Un rapport de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) de 2018 a montré que 44 % des produits provenant de l’agriculture conventionnelle contiennent au moins un résidu de pesticide quantifiable. Cette teneur est seulement de 6,5 % dans les produits issus de l’agriculture biologique. Un test réalisé par l’UFC-Que Choisir en 2019 tire le même constat.
Pesticides et santé
Ainsi, les personnes sont soumises à de nombreuses sources d’expositions : l’air, l’eau et l’alimentation. Ces pesticides vont pénétrer dans l’organisme par les voies respiratoires (inhalation de poussières, fumées, gaz ou vapeurs), par la voie cutanée et par la voie digestive notamment par l’ingestion d’aliments.
Les conséquences réelles d’une exposition aux pesticides sont peu connues. La Direction Générale de la Santé explique que « le risque susceptible d’être exposé par les pesticides est celui d’une exposition sur le long terme, à des doses très faibles, mais répétitives, avec des interactions possibles entre différents pesticides. Les risques suspectés à ce jour pourraient être des cancers (leucémies notamment), des troubles du système nerveux, et des troubles de la reproduction ».
Selon l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) et l’étude AGRICAN menée par la Mutualité Sociale Agricole (MSA) en 2005, les agriculteurs sont les plus touchés par les pesticides, puisqu’ils les manipulent tout au long de leur carrière. Cela se traduit par des intoxications aiguës, mais aussi par une augmentation de la fréquence des maladies neurodégénératives, de cancers et des troubles de la reproduction. Plusieurs pathologies, comme la maladie de Parkinson ou le lymphome non hodgkinien, ont été officiellement reconnus maladies professionnelles.
Concernant les femmes enceintes exposées, des études montrent une augmentation significative de fausses couches, de malformations congénitales, de leucémies et de tumeurs cérébrales chez leurs enfants.
Pour réduire l’utilisation des pesticides et diminuer notre exposition face à ces produits, il est important d’établir de nouvelles Limites Maximales de Résidus (LMR) en prenant en compte les effets cocktails. Actuellement, celles-ci sont définies pour un pesticide dans un produit alimentaire. Mais certains produits alimentaires contiennent plusieurs résidus de pesticides. Or, des substances sans danger pour l’homme individuellement, peuvent devenir nocives lorsqu’elles sont mélangées.
Quelques conseils
Attention, malgré la présence de pesticides dans les fruits et légumes, les bienfaits de ces aliments sont beaucoup plus importants que les risques. Les fruits et légumes sont des facteurs protecteurs pour de nombreuses pathologies chroniques (cancer, obésité). En outre, ils sont faiblement caloriques, sources de vitamines, d’éléments minéraux et d’antioxydants. Ainsi, pour réduire au maximum l’ingestion de pesticides par l’alimentation, voici quelques conseils
  • Privilégier les produits frais de saison et acheter local.
  • Éviter les fruits trop propres, trop brillants. Se méfier des légumes qui ne changent pas d’aspect pendant plusieurs jours, voire semaines.
  • Faire le tri : les légumes racines (sauf les pommes de terre à cause de leur peau très fine et l’utilisation d’anti-germe) sont plus protégés puisqu’ils poussent sous terre (carottes, panais, betteraves). C’est le cas aussi pour ceux à l’abri d’une cosse (petits pois).
  • Consommer des produits bio en suivant le label AB français ou AB européen. Éviter les labels douteux tels que « écologique » et « naturel ».
  • Distinguer les appellations : les « produits traités » ont été soumis à des pesticides avant et après la récolte, les produits « non traités après récolte » peuvent avoir été contaminés avant la récolte. Ces deux produits contiennent sûrement des pesticides. Les produits « issus de l’agriculture biologique » ne contiennent pratiquement pas de pesticides.
  • Laver les fruits et légumes avant de les consommer, y compris les produits en sachet ou barquette. Il vaut mieux aussi les éplucher quand c’est possible.
  • Pour éliminer tous les résidus de pesticides, plonger les fruits et légumes dans deux verres d’eau avec une cuillère à café de bicarbonate pendant 15 minutes.
Et pour finir, télécharger l’application MyLabel sur le smartphone. Elle permet de choisir les critères qui sont importants pour vous, comme la présence de pesticides, la présence d’OGM, l’origine locale, ou l’existence de perturbateurs endocriniens.
Pour protéger notre santé, l’UFC-Que Choisir réclame l’arrêt de l’utilisation de pesticides en agriculture. La conversion d’un grand nombre d’agriculteurs vers une autre forme de production montre que cela est possible. Cette démarche doit être appuyée par une nouvelle orientation des aides versées aux agriculteurs, mais également par l’évolution des réglementations françaises et européennes.
Les consommateurs peuvent aussi orienter leurs achats vers ces productions. Ils devraient montrer l’exemple, en n’utilisant plus aucun pesticide dans les jardins et les maisons. l

Octobre 2020 Lyse LEBLAY