Environnement
L’environnement : Assainissement non collectif, pas vraiment sous contrôle
Notre association locale participe à plusieurs Commissions Consultatives des Services Publics Locaux (C.C.S.P.L.) en Loire-Atlantique. Le principe de ces réunions est d’associer des élus, des administrations et des représentants d’usagers. Elles constituent un mode de contrôle citoyen sur la gestion et la qualité des services publics : assainissement (collectifs et non collectifs), déchets, transports, équipements aquatiques.
Nos observations sur l’examen des rapports annuels d’activités visent essentiellement à améliorer les services ou à faire des propositions sur la tarification. Il arrive que nous nous interrogions sur la gestion financière de ces services publics. Il y a quelques années, nous avions pointé par exemple la situation de l’assainissement collectif à Nantes Métropole, ou encore les tarifs des crématoriums de la région.
Depuis plusieurs mois, nous avons été alertés par le bilan des services publics d’assainissement non collectifs (SPANC). Dans un précédent article d’avril 2021, nous avions signalé un évident manque de résultats dans l’amélioration des conformités de ces installations, et une tarification très variable pour l’usager.
Depuis notre participation à la CCSPL de la communauté de communes Erdre et Gesvres, en 2021, les résultats du SPANC de cette collectivité nous interpellent particulièrement.
En effet, pendant 6 ans (2016-2021), cet organisme n’a pas effectué les contrôles périodiques réglementaires des installations individuelles d’assainissement, alors que celles-ci doivent être vérifiées tous les 8 ans, selon le règlement de service. Dans ce délai, seuls les contrôles liés aux cessions immobilières ont été effectués. Selon notre décompte, il y a un déficit de 6 364 contrôles non effectués en 6 ans, alors que chaque usager continuait à acquitter une redevance annuelle de 18 € pour ce même service.
La vérification régulière d’une installation individuelle d’assainissement permet de s’assurer que le fonctionnement et l’entretien des ouvrages sont satisfaisants. Il importe d’établir qu’ils n’entraînent pas, soit une atteinte à la salubrité publique et à la sécurité des personnes, soit un risque de pollution des eaux souterraines et superficielles, ou encore des nuisances de voisinage (odeurs, écoulements).
Ces opérations portent notamment sur les postes suivants : conformité de l’installation, état et entretien des ouvrages, leur ventilation, leur accessibilité, le bon écoulement des effluents jusqu’au dispositif d’épuration, l’absence d’écoulement superficiel et de ruissellement vers des parcelles voisines, l’évaluation de la qualité du rejet et l’appréciation de l’impact sanitaire et environnemental (en cas de rejet en milieu naturel).
Ce déficit de contrôles du SPANC sur la communauté de communes Erdre et Gesvres pose plusieurs problèmes, pour les représentants des usagers
- La facturation par redevance annuelle de contrôles non effectués (cela représente selon nos calculs 1,1 million d’euros sur cette période).
- Cette carence ne permet pas de repérer les installations non conformes, dont certaines rejettent dans le milieu naturel des effluents polluants. Selon les statistiques, 35 % des installations contrôlées ne sont pas conformes. Ceci implique qu’environ 2 280 installations probablement en anomalie n’ont pas été détectées, en raison de l’absence de contrôles sur la période 2016-2021. En conséquence, aucune action corrective n’est engagée sur ces installations potentiellement défectueuses.
Nous sommes intervenus vigoureusement pour dénoncer ces manquements, lors des commissions d’octobre 2021 et de septembre 2022. Face à nos critiques, les arguments et intentions de la collectivité peinent à convaincre
- L’absence de contrôles résulterait d’un changement du système de gestion informatique (2019-2020), et de difficultés à trouver un prestataire pour effectuer ces opérations. Mais ces motifs ne peuvent justifier 6 ans d’inaction totale.
- Dans la période litigieuse, le SPANC aurait exercé des missions de conseil et d’informations, à raison de 287 actions de ce type pendant les 6 ans. Ces activités auraient été réalisées en lieu et place des 6 364 contrôles non effectués. Mais cet argument n’est pas pertinent, puisque les missions d’information et de conseil font partie intégrante des opérations de contrôle des installations, au titre de l’accompagnement des usagers.
- Les contrôles périodiques ont été confiés récemment à la SAUR et les mesures auraient repris au second semestre 2022. Rendez-vous dans un an pour en constater les résultats.
L’UFC-Que Choisir souhaite que les intérêts des habitants concernés soient mieux respectés. Il convient pour la collectivité de trouver les moyens de compenser financièrement le préjudice causé aux propriétaires et à l’intérêt général, en raison des carences observées.
Cette grave anomalie dans la gestion du service d’assainissement non collectif, constaté dans le périmètre Erdre et Gesvres, nous a conduits à examiner la situation dans d’autres collectivités. D’une rapide analyse, il ressort que sans atteindre le niveau zéro de contrôles périodiques enregistrés sur cette collectivité, beaucoup de SPANC ne respectent pas les fréquences de contrôles prévues par la réglementation. En conséquence, pratiquement aucune amélioration n’est apportée aux installations, alors que les habitants alimentent régulièrement par leur redevance le budget de ce service public.
Mars 2023 | par Alain JONCHERAY et Gérard ALLARD |