UFC-Que Choisir de Nantes

Santé

Cosmétiques : la menace

Notre association s’intéresse depuis plusieurs années à la présence de la chimie dans notre vie quotidienne.
Le domaine dans lequel cette réalité est la plus inquiétante est celle des cosmétiques, et plus généralement de tous les produits de soins pour le corps.
Ce problème ne concerne pas seulement les femmes, même si elles représentent la majorité des personnes exposées. Il intéresse aussi les jeunes (garçons et filles), comme les hommes en général, nouvelles cibles publicitaires pour cette industrie. Mais le risque est surtout préoccupant pour les enfants, en particulier les tout-petits, plus vulnérables que les adultes (en proportion de leur poids, les quantités de substances nocives absorbées par la peau sont plus importantes que chez un adulte).
Les dangers de certaines molécules ont été soulignés par des études scientifiques, comme pour les parabens, les phtalates, des allergènes ou des perturbateurs endocriniens. Pourtant, l’industrie a besoin de ces matières premières, pour des raisons le plus souvent commerciales (aspect, conservation, efficacité…), qui ne prennent pas en considération les contraintes de santé. Il y a donc un vrai problème : des composants dangereux persistent dans nos produits de soins, et ni les pouvoirs publics, ni les professionnels ne font grand-chose pour nous en protéger.
On sait désormais, par exemple, que les perturbateurs endocriniens susceptibles de se retrouver dans les produits cosmétiques ne restent pas à la surface de la peau, mais franchissent la barrière cutanée. Le pire est sans doute le vernis à ongles : solvants, plastifiants, résines, agent filmogène, parfums, colorants : difficile de trouver au rayon cosmétique pire concentré de chimie. Des analyses américaines ont montré que les molécules se retrouvent dans les urines, à des concentrations importantes, quelques heures après l’application du vernis.
Il faut cependant distinguer parmi les risques auxquels nous exposent ces produits chimiques :
  • Les allergènes sont des composants très répandus dans les cosmétiques, y compris bio, et plusieurs sont présents dans des huiles essentielles. Les fabricants ont beaucoup de mal à s’en passer. S’il est souhaitable de les éviter autant que possible, surtout dans le contexte actuel d’explosion des allergies en tous genres, il n’est pas réaliste de vouloir les éliminer totalement de son nécessaire de toilette. En réalité, il vaut mieux agir en fonction du risque : quelqu’un qui n’a jamais présenté de réaction en les utilisant au quotidien n’a pas besoin de mettre à la poubelle les cosmétiques contenant des allergènes. Mieux vaut être plus vigilant et restrictif au moment de les remplacer.
  •  En revanche, les perturbateurs endocriniens, eux devraient être absolument évités, surtout chez les femmes enceintes, les bébés, mais aussi pour les adolescents et adolescentes. Les jeunes filles qui se maquillent ou se vernissent les ongles sont donc particulièrement concernées. Les perturbateurs endocriniens peuvent agir à dose infinitésimale. Avec eux, le principe selon lequel « la dose fait le poison » est inexact : dans certains cas, ils sont plus toxiques à faibles doses qu’en plus grande quantité.
Même les cosmétiques affichés comme « bio » ne sont pas vraiment convaincants, faute de cahier des charges encadré par la loi. Il existe bien  des référentiels assortis de logos, mais aucune certification fiable ne permet d’en garantir la neutralité en termes d’effets indésirables. La référence la plus crédible est sans doute « Nature et Progrès » : ses normes sont les plus exigeantes du marché en matière de cosmétiques, car elles imposent de recourir uniquement aux ingrédients naturels (sauf trois conservateurs synthétiques), et à des composants bio s’ils sont disponibles. Elles interdisent aussi les tensioactifs sulfatés, autorisés par les autres références commerciales en bio, alors qu’ils sont irritants.
Les organisations professionnelles dépensent des sommes considérables en marketing, pour nous convaincre d’acheter ces produits flatteurs. Mais leurs lobbys sont encore plus mobilisés pour contrôler les normes ou éviter les contraintes règlementaires. On l’a vu avec l’interminable feuilleton de la définition des perturbateurs endocriniens : la Commission européenne a tergiversé pendant des années, sous la pression de l’industrie chimique, avant d’adopter des critères scientifiques pour la détermination des propriétés perturbant le système endocrinien, conformément au règlement international sur les biocides.
C’est une menace grave en raison de l’absence de réglementation comparable à celles des aliments ou des médicaments (les précautions et interdictions de substances dangereuses sont beaucoup plus exigeantes dans ces deux familles de produits). Les réglementations sont traditionnellement sévères pour les produits qu’on avale. En revanche, en ce qui concerne ceux qu’on absorbe par les poumons (l’air intérieur) ou l’épiderme (cosmétiques), les précautions par rapport au recours à la chimie sont dramatiquement insuffisantes.

Octobre 2017 d’ Hervé LE BORGNE