Dépannage à domicile : éviter le cauchemar
Ce sont des expériences abominables : porte close faute de clé (au milieu de la nuit), fuite d’eau incontrôlée (un jour férié), et on se retrouve désemparé, incapable de trouver une autre solution que l’appel à une entreprise spécialisée.
C’est là que le cauchemar commence :
En France, le dépannage en dehors des heures ouvrables est une activité jugée ingrate, ou peu rentable, par les artisans de la plomberie et serrurerie en particulier. Du coup, ce marché est abandonné aux margoulins : d’improbables entreprises organisent soigneusement, sur internet comme dans l’annuaire téléphonique, la captation des appels de naufragés domestiques. Qui est à la tête de ces entreprises crapuleuses ? Ce sont souvent des professionnels de l’arnaque, et non pas du métier, mais pas toujours les employés qui interviennent sur place (ceux-là sont payés au pourcentage, sur le montant de votre facture : cherchez l’erreur), ni les gérants de paille désignés au répertoire du commerce, comme la dirigeante d’ADS Dépannage, qui comparaissait devant le tribunal correctionnel de Paris pour pratique commerciale trompeuse, en novembre 2013.
Comment éviter le pire (ce qu’on peut faire avant) On a tout intérêt à se constituer des références de professionnels fiables, à l’avance. Pour cela, on peut consulter :
En revanche, il faut se méfier des prospectus ou cartons distribués dans les boîtes aux lettres, qui se présentent comme des mémos pour les numéros d’urgence : ce ne sont que des listes de téléphones, dont la plupart renvoient sur la même entreprise. Encore pire : les publicités qui affichent des symboles officiels, pour faire croire à un quelconque agrément ou partenariat, par exemple en mêlant les numéros des administrations à ceux des dépanneurs – une ruse sanctionnée par une amende, depuis l’entrée en vigueur de la loi Hamon, le 14 juin 2014. De manière générale, ne vous fiez pas à ces publicités, surtout si elles présentent des formules suspectes, du genre « agréé », « officiel », « régional », « depuis 1938 », « Chambre », « Compagnons », « Maître »… Toute publicité sérieuse pour ce genre de prestation doit comporter les informations légalement obligatoires :
Inutile de demander des références d’entreprises sérieuses à la gendarmerie ou aux pompiers : ce n’est pas leur rôle, et ils ne pourront pas garantir leurs indications.
Comment limiter l’arnaque (ce qu’on doit faire pendant) Ne pas forcément chercher à tout prix un dépanneur Le premier conseil à retenir est de garder son calme, et relativiser la catastrophe, lorsque surviennent ces situations, que l’on considère d’abord comme un péril. En réalité, vous pouvez le plus souvent prendre vous-même les mesures d’urgence : couper l’arrivée d’eau avec le robinet général (près compteur), fixer un cartonnage sur un vitrage brisé, essayer d’ouvrir une porte claquée en y glissant un carton fort, ou une carte plastique. Pour les problèmes de serrures, on peut aussi se faire héberger par un proche. Il vaut même mieux payer une nuit d’hôtel (70 à 150 €, c’est le prix d’un déplacement pour dépannage à domicile, mais sans le montant de la réparation). Tout cela donne ensuite le temps de réfléchir calmement, et prendre de vraies mesures, à partir du lendemain, lorsque les entreprises sérieuses sont disponibles, au prix de marché. Toute situation de ce genre, que vous jugez sur le moment très désagréable, justifie plutôt une solution différée.
Ne pas appeler n’importe qui Si malgré tout, on décide de recourir à un dépanneur en dehors des heures ouvrables, il faut le sélectionner soigneusement, comme conseillé juste au-dessus.
Exigez les documents écrits auxquels vous avez droit De trop nombreuses entreprises de dépannage à domicile vous présentent le devis après achèvement des travaux (ce qui revient à confondre devis et facture !). Pour ne pas vous faire arnaquer, exigez un devis avant toute exécution de prestation et ne signez jamais un devis établi ou présenté après la réalisation des travaux. Dès son arrivée sur place (chez vous), après examen de la situation, mais avant de commencer le travail proprement dit, tout professionnel dépanneur à domicile (serrurerie, plomberie, électroménager, vitrerie, électricité…) doit établir un devis détaillé avant d’intervenir, peu importe le montant (arrêté du 24 janvier 2017). Cette obligation s’applique dans tous les cas, il ne faut accepter aucune exception, même une prétendue « urgence ». En cas d’urgence absolue (avec un risque pour la sécurité des personnes ou l’intégrité des locaux), il faut faire intervenir les pompiers : c’est efficace, gratuit, et vous ne risquez pas l’arnaque. Le devis doit être établi en double exemplaire, être signé du client, et détailler suffisamment précisément les prestations prévues et le coût : nous vous expliquons tout ici. Pour donner quelques repères, rappelons les estimations admissibles : 100 à 150 € pour neutraliser une fuite d’eau (sans remplacement de l’évier !), réparer une vitre (sans refaire la fenêtre !), ou procéder à une ouverture de porte (davantage si c’est une serrure de sûreté, avec clé spécifique). En tout cas, jamais plus de 500 € : une « réparation d’urgence », au-delà de ce montant, c’est une arnaque.
Limiter le devis à la seule réparation du défaut (pas de travaux supplémentaires) Méfiez-vous des dépanneurs qui vous noient sous des explications hyper techniques, très alarmistes, ou trop imprécises. Les travaux ont lieu chez vous : vous êtes en droit de savoir exactement ce qui va être fait, avant que ce soit fait. Les dépanneurs en urgence pratiquent des tarifs élevés : cela se justifie pour l’horaire, mais pas pour des travaux supplémentaires inutiles. Il faut donc, dans ces situations, s’en tenir au strict nécessaire. Pour une porte bloquée, l’urgence peut être de l’ouvrir, mais pas de remplacer la serrure. Et sur les soucis courants de clés, il faut rappeler qu’il n’est quasiment jamais nécessaire de détériorer ou remplacer une serrure : changer le cylindre suffit. Le réparateur a un rôle de conseil auprès de son client, mais il ne peut pas lui imposer des travaux sans son accord. L’entreprise peut donc proposer une prestation supplémentaire, mais cela entre alors dans les règles du démarchage à domicile : l’offre doit être faite par écrit, et si vous l’acceptez, vous disposez d’un délai de 14 jours à compter de la signature pour vous rétracter. En attendant l’expiration de ce délai, vous n’avez rien à payer, et l’entreprise ne peut pas livrer, ni commencer le travail. Si vous rappelez ces règles à un réparateur à domicile, il va peut-être renoncer à en rajouter. Si les explications ne vous conviennent pas ou ne vous paraissent pas très honnêtes, si le devis vous semble démesuré, n’hésitez pas à annuler l’intervention avant qu’elle ait commencé : vous paierez le déplacement (c’est un forfait, et pour moins de 100 €), et vous limiterez ainsi la dépense.
Surveillez la réparation Soyez aussi exigeant lorsque les travaux ont commencé : si le comportement du dépanneur vous semble anormal (peu professionnel), s’il fait plus de dégâts qu’il ne répare, exigez qu’il s’arrête immédiatement, et mettez fin à l’intervention. Au besoin, vous pouvez payer le prix du déplacement, à condition que ce montant figure clairement dans les conditions tarifaires qu’il vous a présentées (devis). Sinon, rien !
C’est au moment de payer que vous reprenez le dessus Demandez à conserver les pièces qui ont été changées, et que les dépanneurs s’empressent souvent d’escamoter. De même pour tous les emballages qui peuvent entourer la nouvelle pièce : ces éléments vous appartiennent (vous les avez payés). Tout cela sera précieux, en cas de litige sur la prestation ou le prix. C’est bien simple : pas de pièces, pas de paiement ! Si vous vous sentez en infériorité insurmontable devant ce professionnel, cette demande parfaitement légitime va calmer ses ardeurs et ses exigences… Trop souvent, les dépanneurs à domicile proposent une réduction de 10 % contre paiement en liquide. Il est absolument déconseillé de le faire, parce que le travail au noir est interdit et puni par la loi, mais aussi parce que vous n’aurez pas de facture, et donc moins de recours. D’autres encore atténuent la douloureuse en prétendant un remboursement intégral par l’assurance. Ils proposent pour cela de « cocher la bonne case » (pour une fuite : « accident ménager », pour une ouverture de porte « perte de clé » ou « tentative d’effraction »). Ce procédé anodin, si cela ne correspond pas à la réalité, peut relever de la fraude à l’assurance : vous ne serez pas remboursé, peut-être résilié d’office, et vous serez bien seul pour vous justifier.
Comment se faire rembourser ou indemniser (ce qu’on peut faire après) D’abord, il ne faut pas trop rêver : si vous avez signé un devis préalable détaillé, et que vous avez payé le montant intégral ainsi accepté, il sera très difficile d’obtenir une révision de ce contrat, même avec un prix exorbitant. Un adulte, même âgé, même naïf, est censé capable de souscrire en connaissance de cause… Mais si les obligations de l’arrêté de 2017 précité n’ont pas été respectées (défaut de devis préalable, ou absence des mentions impératives énoncées), alors le procédé est pénalement sanctionné, et le professionnel a obtenu frauduleusement son paiement. Vous pouvez ainsi le signaler à la répression des fraudes directement en ligne. Ces irrégularités pourraient aussi justifier l’annulation du devis, et ainsi le remboursement des sommes payées : contactez votre association locale pour être conseillé. |
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Juin 2022 | par Hervé LE BORGNE |