UFC-Que Choisir de Nantes

Santé

Santé : Nos services d’urgence en extrême difficulté

Il n’est pas une semaine sans que soient annoncées dans notre région des restrictions d’accès aux urgences. C’est une fermeture temporaire d’un service (exemple à Ancenis). Ce sont des restrictions d’accès (appel obligatoire au centre 15 avant de pouvoir aller aux urgences). Ce sont encore des tensions chez le personnel, allongeant les temps d’attente dans des conditions souvent anormales (séjour prolongé sur brancards).
Une situation préoccupante à tous points de vue
L’engagement des professionnels de santé sur le terrain à titre individuel n’est pas en cause. Nous saluons globalement leur conscience professionnelle , compte tenu des conditions difficiles dans lesquelles ils exercent leur métier. Dans la situation actuelle, c’est l’organisation (ou plutôt la désorganisation) de notre système de santé qui interpelle. Le manque d’anticipation en ressources humaines, les freins catégoriels, la perte de valeur du soin, l’incompréhension par les usagers de son fonctionnement.
  • Le centre 15 au bord de la saturation
Depuis plusieurs mois, le centre 15 de Loire-Atlantique est particulièrement sous tension (augmentation des appels) et surtout en difficulté de recrutement d’assistants de régulation.
Certes, le temps de premier décrochage par un opérateur semble satisfaisant, par rapport à d’autres centres 15 de la région : 90 % dans la minute (mais 1 minute, c’est très long en situation d’urgence !!!). Mais le temps d’attente s’allonge pour obtenir le transfert de prise en charge à un médecin libéral, en dehors de l’urgence vitale. Trop souvent, l’opérateur d’orientation du centre 15 annonce que le médecin rappellera dans une ou deux heures, voire davantage.
Par ailleurs, il demeure une incompréhension des usagers face aux différents numéros d’appel en cas d’urgence (entre 15 et 116-117). Il est nécessaire de faire cesser les conflits de chapelles entre médecine hospitalière et libérale. Il faut rapidement un numéro unique, qui facilitera la vie des usagers.
  • Des services d’urgences débordés
Dans les témoignages reçus ces derniers mois, les représentants des usagers du CHU de Nantes ont enregistré des observations de patients sur le délai d’attente. Mais elles sont en fait peu nombreuses par rapport à la réalité, car les patients se sont souvent montrés compréhensifs, ou fatalistes. En revanche, il y a une forte demande d’information sur les temps prévisibles d’attente et les conditions de la prise en charge. Les représentants des usagers ont noté également depuis plusieurs mois une augmentation des tensions entre soignants et patients (manque d’écoute, perte de patience). Certains usagers témoignent d’un manque d’humanité dans les relations. C’est de l’écoute qu’ils réclament, cela ne demande souvent qu’un instant, car chacun est conscient que le temps médical manque.
De réels problèmes sur les urgences psychiatriques ont été relevés au CHU de Nantes, par exemple des sorties prématurées qui entrainent un retour rapide en hospitalisation.
On observe également des sorties des urgences mal organisées de nuit.
  • Le filtrage d’accès aux urgences envisagé
La régulation d’accès aux services d’urgences (admission subordonnée à l’appel préalable obligatoire au centre 15) n’a pas été mise en œuvre ces derniers mois en Loire-Atlantique. Cette mesure est fréquente en Sarthe, et périodique en Mayenne et Vendée. Mais la demande des soignants pour mettre en place ce dispositif dans notre département est forte.
Cela dit, selon le centre 15 de Loire-Atlantique, sa charge de travail est telle que de toute façon, la situation serait encore plus dégradée si la régulation d’accès aux urgences était mise en place.
  • La fermeture de nuit du service d’urgences d’Ancenis
L’information à la population des difficultés d’accès aux urgences et des fermetures de services a été plus visible que les années précédentes (appuyée par la campagne nationale de l’été 2022). Le service d’urgence d’Ancenis est de plus en plus souvent fermé la nuit, en raison du manque de médecins urgentistes (un mois cet été, deux mois cet automne, peut-être 3 mois au printemps). Dans un territoire en expansion démographique, c’est très inquiétant, car au-delà des urgences, c’est toute l’activité du centre hospitalier d’Ancenis qui va être compromise à brève ou moyenne échéance (maternité et chirurgie notamment).
  • L’organisation de la chaine des soins en aval des urgences en tension
La saturation des urgences provient également de la
difficulté à trouver un lieu d’hospitalisation suite à une prise en charge aux urgences. La fermeture de nombreux lits, essentiellement en soins de suite et rééducation, ne facilite pas une fluidité de la prise en charge (à certaines périodes, 20 % des lits concernés sont fermés sur l’agglomération nantaise). Le retour à domicile prématuré est souvent une solution (très) suggérée, avec les risques de rechutes.
Nos trois demandes face à cette situation
La situation dégradée de nos services d’urgence reflète malheureusement l’état global de notre système de santé, et les solutions passent par des décisions politiques nationales. Il faudrait en particulier
  • Former beaucoup plus de professionnels.
  • Faire évoluer les professions paramédicales en accroissant leurs compétences.
  • Coordonner les organisations médicales de l’hôpital et de la ville par plus de coopération et d’obligations mutuelles.
Pour la situation dans notre département, nous exprimons entre autres trois demandes
Nous refusons la régulation de l’accès aux soins d’urgences par le centre 15, sauf crise sanitaire
Il est préférable de réorienter les usagers venus aux urgences avec un besoin de soins moins complexes, mais néanmoins indispensables, vers les maisons médicales de garde (MMG) à toute proximité des urgences.
Nous avons noté la réticence des personnels hospitaliers, qui objectent des arguments autour de la responsabilité. Il faut avancer sur cette synergie nécessaire entre services d’urgence et maisons de garde. L’extension des plages d’ouverture des maisons médicales de garde (samedi matin, en semaine à partir de 18 h) pourrait alors s’avérer utile.
Dans le nouveau CHU, nous avons d’ailleurs défendu l’implantation de cette maison médicale de garde à l’intérieur du service d’urgence, pour faciliter la prise en charge commune.
Nous souhaitons aussi l’instauration obligatoire du tiers payant dans ces maisons médicales de garde.
Nous sommes favorables au déploiement opérationnel rapide et efficace du Service d’accès aux soins 44 (SAS)
Le Service d’accès aux soins est une nouvelle organisation des centres 15, ouverte à l’ensemble des professionnels de santé, afin de favoriser le développement des filières directes de prise en charge, sans passer par les urgences.
Le SAS doit permettre à tout usager, en cas de besoin de santé urgent, d’avoir accès, de manière simple et lisible, à un professionnel de santé, lorsque ni le médecin traitant ni une structure de soins non programmés ne sont disponibles.
Cette formule doit s’articuler naturellement avec les pharmacies, les infirmiers libéraux, les kinésithérapeutes et tous les acteurs de soins susceptibles d’intervenir dans le parcours du patient, pour évoluer à terme et au besoin vers les médecins spécialistes.
Notre département est un site expérimental de déploiement de cette organisation depuis mai 2021. Mais l’objectif affirmé à l’époque de mieux répondre aux besoins de la population est aujourd’hui loin d’être atteint, malgré des dotations financières importantes.
Nous voulons que soit étudiée une autre implantation des services d’urgence dans l’agglomération nantaise
Notre département est un des moins bien dotés en nombre de services d’urgence (0,4 pour 100 000 habitants). C’est une raison de plus pour sauver celui d’Ancenis, et conforter ceux de Saint-Nazaire et Châteaubriant. La question d’une autre implantation d’un service d’urgence dans l’agglomération nantaise mérite d’être posée. En 2027, lors de l’ouverture du nouveau CHU, les deux services d’urgence de l’agglomération (Confluent et CHU) seront implantés au sud de l’agglomération. Cela va sûrement poser des problèmes d’accès pour les habitants du nord. Pourquoi pas étudier dès maintenant une nouvelle création, soit à l’hôpital nord actuel (puisque la décision de maintien du site à vocation hospitalière a été prise), soit à Santé Atlantique, en complément des urgences de la main ?
Pour terminer, un coup de gueule
Dans les instances de démocratie sanitaire, on entend trop souvent de la part des représentants de professionnels de santé le message selon lequel trop de patients viennent aux urgences, alors qu’ils pourraient avoir des solutions de soins ailleurs. Il faudrait ainsi « éduquer l’usager » (sous-entendu : restreindre l’accès), y compris avec des contraintes financières. Non, ce n’est pas la bonne méthode. Il est vrai que 10 % environ des patients qui se rendent dans un service d’urgence pourraient être soignés dans un cabinet médical. Encore faut-il obtenir un rendez-vous rapidement. L’usager sait être « responsable », nous l’avons bien vu cet été où le nombre de passages aux urgences dans la région a baissé, suite aux messages gouvernementaux de risques de saturation des urgences.

Avril 2023 par Gérard ALLARD