UFC-Que Choisir de Nantes

Enquêtes, Mobilité

SEMITAN : TAN et plus ?

Depuis janvier 2016 (mais également en 2013), la SEMITAN a profondément modifié ses barèmes de réduction pour les transports en commun.
Nous avons mené l’enquête, pour savoir ce qu’il en coûte désormais, et quel est l’état de ce service public, pour les usagers de l’agglomération nantaise.
Notre étude repose sur plusieurs éléments recueillis : un examen des conditions contractuelles et tarifaires (sur plusieurs années, comparées aux autres agglomérations des PAYS de la LOIRE), les rapports d’activité annuels de la SEMITAN, et un entretien avec les responsables des transports.
Le plein tarif :
Il faut distinguer dans les tarifs, entre le prix normal et les réductions (à titre « commercial » ou « social »).
Les prix les plus significatifs et les plus comparables sont ceux du ticket, du carnet de 10, et les abonnements au mois ou à l’année.
Ces tarifs ont connu à NANTES les évolutions suivantes :
ANNÉE
2010
2014
2015
2016
2017
Ticket unitaire 1 h (*)
1,50 €
1,50 €
=
1,60 €
+ 6 %
1,60 €
=
1,60 €
=
Carnet 10 tickets
12,30 €
14 €
+ 14 %
14,50 €
+ 4 %
14,70 €
+ 1 %
14,90 €
+ 1 %
Abonnement/mois (**)
49,90 €
58 €
+ 16 %
63 €
+ 9 %
64 €
+ 2 %
66 €
+ 3 %
Abonnement/année (**)
480 €
545 €
+ 14 %
582 €
+ 7 %
592 €
+ 2 %
592 €
=
(*) : valable 1 heure, mais 2 € si acheté dans le bus (depuis 2013) -(**) : 26 à 59 ans
La comparaison avec les villes voisines n’est pas à l’avantage de NANTES :
VILLE
NANTES
LAVAL
ANGERS
LA ROCHE/YON
LE MANS
PARIS
Ticket unitaire
1,60 €
1,15 €
1,50 €
1,30 €
1,50 €
1,90 €
Carnet 10 tickets
14,90 €
9,65 €
12,50 €
10,90 €
13,40 €
14,90 €
Abonnement/mois
66 €
25 €
43 €
33 €
40 €
77 €
Abonnement/année
592 €
235 €
450 €
305 €
433 €
760 €
Les réductions commerciales :
Le barème commercial a été simplifié en 2009, mais révolutionné en 2013 avec le compostage électronique. Ce procédé a permis d’offrir aux abonnés (qui payaient jusque là un tarif forfaitaire, mensuel ou annuel) d’ajuster leur dépense au nombre réel de voyages effectués : règlement par prélèvement le mois suivant ; aucun paiement en l’absence totale de trajet ; prix total plafonné au montant de l’abonnement forfaitaire mensuel correspondant au profil tarifaire de l’usager.
Ces réductions sont présentées par la TAN comme fonction de l’âge, mais cet affichage traduit plutôt un statut des personnes : les jeunes ont leurs tarifs les moins élevés (enfants, lycéens, étudiants), mais les salariés (26 -60 ans) paient un tarif élevé, en raison de la participation de 50 % des employeurs, admet NANTES METROPOLE. Cette pratique des collectivités est assez générale : cela veut dire que les administrations et les entreprises financent les transports publics urbains. Mais du coup, cet avantage social n’en est plus un pour les salariés, puisque la moitié qui leur reste à charge équivaut au prix normal. On imagine mal, pourtant, que les restaurants fassent payer plus cher le repas des salariés qui règlent en chèque-déjeuner ?
Il n’y a plus de réduction commerciale pour les retraités à faibles revenus : leur situation relève des tarifs sociaux, en fonction de leur quotient familial.
Les tarifs sociaux :
Les règles ont changé à partir de janvier 2016. Des Nantais ont alors réagi, y compris l’opposition municipale, à cause de certains effets secondaires. Après enquête approfondie, on observe que NANTES METROPOLE a adopté un nouveau principe politique pour ses tarifs sociaux, qui repose désormais sur les ressources du ménage, et non plus sur le revenu ou le statut individuel des personnes (retraité, chômeur, étudiant…).
Il y a deux principaux changements : c’est le quotient familial qui devient le critère (et pas seulement le revenu), et le tarif s’applique à tous les membres du ménage (allocataires CAF) ou du foyer fiscal (avis d’imposition), pendant un an.
Il y a 3 paliers de prix : gratuité, 70 à 90 % (en 2018), ou 50 à 70 % de réduction sur le tarif de base. Selon les responsables de NANTES METROPOLE, on serait passé ainsi de 3.500 à 5.500 bénéficiaires de ces régimes.
Ces tarifs sont en réalité gérés par les communes de l’agglomération, et non par NANTES MÉTROPOLE. Ce sont les services municipaux (le plus souvent ceux des CCAS) qui attestent des conditions permettant la gratuité ou le prix spécialement bas des transports. La TAN remet aux bénéficiaires leur titre de transport, à réception du dossier (transmis directement par la Mairie).
Ce qui nous avait alertés (l’augmentation du coût réel pour des personnes à revenus modestes) s’explique par le quotient familial : les ménages sont très favorisés par ce critère, au détriment des personnes seules. C’est un choix politique en faveur des familles, plutôt que des célibataires. La métropole a décidé aussi d’accorder la gratuité totale à deux catégories d’usagers : les adultes handicapés (titulaires de l’allocation), et les étrangers en cours de régularisation ou hébergés en foyers (sous convention NANTES MÉTROPOLE).
Ce qui agace…
Le paiement bancaire :
A partir de 2013, le prélèvement est devenu le seul moyen de paiement pour la formule « sur mesure ». Depuis 2016, c’est aussi le seul mode de paiement possible pour les tarifs sociaux : le dossier présenté aux services municipaux comporte obligatoirement un RIB, nécessairement pour le compte du demandeur, et les titres de transports sont forcément des cartes LIBERTAN. Les responsables de NANTES METROPOLE justifient cette option par le grand nombre d’usagers concernés, ce qui rendrait la gestion des chèques plus coûteuse pour la collectivité, donc le contribuable.
Les ratés du cadencement :
L’expression spontanée des habitués des transports nantais manifeste des mouvements d’humeur à propos de la régularité des horaires : deux trams se succèdent à 3 mn, mais le suivant est dans 10 ou 15 mn, et de même pour certains bus. Par ailleurs, l’intensification du trafic et la fréquence des thromboses circulatoires rend de plus en plus incertaines rapidité et ponctualité des CHRONOBUS. NANTES METROPOLE parle plutôt de problèmes de « régularité », qui s’expliqueraient par des incidents de parcours, retards au démarrage, cumul de plusieurs trams sur certaines « branches » à destinations différentes.
Les formules « magiques » :
La TAN présente ses tarifs « sur mesure » avec l’appellation « LIBERTAN » (tarification au voyage, assez souple pour tous les usagers, ce qui explique sa généralisation). C’est du marketing, pour faire envie, mais il est vrai que c’est une formule avantageuse.
D’autres appellations peuvent paraître assez curieuses, comme les « tarifs illimités », qui  désignent en réalité, et uniquement, les abonnements annuels.
La nouvelle formule des tarifs sociaux 2016 a été largement vendue comme « solidaire » (en réalité, c’est un nouveau critère d’attribution, différent du précédent), et « simple » (en fait, elle est obligatoirement « sur mesure »).
Les augmentations « systématiques » :
La délégation de service public pour la gestion des transports, de NANTES MÉTROPOLE à la société SEMITAN, prévoit une fois par an l’ajustement des tarifs, soumis au vote des élus de la communauté de communes. Le délégataire SEMITAN, titulaire du marché depuis près de 40 ans (janvier 1979), présente donc chaque année à la délibération publique sa tarification pour juillet. Mais la collectivité arbitre en réalité entre la subvention au gestionnaire et la tarification répercutée aux usagers.
Les prix varient ainsi une fois par an, avec des ampleurs variables, pour les montants et les titres concernés. On observe que les prix ont beaucoup augmenté entre 2014 et 2015 (surtout l’année 2015 : en début de mandat ?), comme le montre notre tableau. Les hausses sont modérées depuis (2016 et 2017). Mais le prix du ticket unitaire a peu varié sur cette période : c’est le plus visible, le plus commun, donc le plus sensible pour l’opinion…
A propos des changements majeurs intervenus dans la tarification (LIBERTAN en 2013, « solidaires » en 2016), on lit dans le récent rapport (2017) de la délégation de service public à SEMITAN par NANTES METROPOLE: « Ces modifications de la typologie des recettes de trafic ont eu pour conséquence d’augmenter sensiblement la recette moyenne au déplacement (+ 15,8 % sur la période 2010-2016). On ne sait plus très bien qui devrait s’en réjouir, mais ce n’est sans doute pas l’usager ?
Nous avons interrogé NANTES METROPOLE sur l’articulation du financement public, dans l’organisation respective du stationnement automobile et des transports : il nous a été répondu que le produit des parcmètres et parkings finance notamment l’extension des places de stationnement en parking-relais, en périphérie d’agglomération.
En tout cas, notre tableau montre que les transports en commun sont chers à NANTES, même si son réseau n’est pas comparable à celui des autres agglomérations des PAYS de la LOIRE. Il n’est pas comparable non plus à PARIS : pourtant, le carnet de 10 tickets est au même prix, avec TAN ou RATP !
La SEMITAN assure elle-même plus de 20 millions de km de transports par an, avec plus de 130 millions de voyages, dont 5 millions par le tramway, et 1 million par le busway, pour environ 160.000 abonnés réguliers (chiffres 2016). La formule LIBERTAN concernerait 210.000 usagers en 2017.

Octobre 2017 par Hervé LE BORGNE