Chaque année, la Conférence Régionale de Santé et de l’Autonomie (CRSA) rédige un rapport sur le respect des droits des usagers du système de santé, dans la région des Pays de la Loire. Cet article reprend un certain nombre de thèmes du rapport, avec des données portant sur l’année 2019.
À la lecture du dernier rapport de cette conférence, plusieurs constats se dégagent :
- Les conditions de traitement des plaintes et réclamations s’améliorent sensiblement. On observe ainsi un fonctionnement globalement bon des procédures de conciliation et de médiation. Mais des difficultés persistent dans le secteur médico-social (EHPAD en particulier).
- La qualité de la prise en charge des usagers dans les établissements de santé ressort à un niveau évalué souvent supérieur à la moyenne nationale. Mais des écarts importants demeurent entre établissements.
- L’accessibilité financière aux soins revient régulièrement dans les préoccupations des usagers.
- L’accès aux soins reste un problème récurrent dans beaucoup de territoires de la région (disposer d’un médecin traitant, en particulier).
- Dans le domaine de la prévention, le pourcentage de la population dépistée au cancer connaît une baisse continue et préoccupante.
Satisfaction des patients à l’égard des établissements de santé
L’indice de satisfaction recueilli auprès des usagers s’établit à 75,2 sur 100 (moyenne nationale : 73,6).
Des écarts importants entre établissements persistent tout de même : 82 pour ICO Gauducheau Saint-Herblain à 69 pour le CHU d’Angers. En outre, les repas (61,8) et les conditions de sortie d’hospitalisation (65) méritent des améliorations.
Les données recueillies indiquent également une bonne note globale de satisfaction de l’hospitalisation en ambulatoire (sur une journée). Cet indicateur est en progression par rapport aux années précédentes (78,4).
L’accessibilité financière aux soins
L’accessibilité financière aux soins revient régulièrement dans le questionnement des usagers. Ainsi, selon l’Agence régionale de santé, » 37 % des ligériens déclarent avoir renoncé à certains soins parce que le remboursement en était trop limité, ce chiffre atteint 51 % pour les personnes en situation de perte d’autonomie qui ont souvent des difficultés à l’achat de dispositifs de réduction de leur handicap (mobilité, vision, audition)”.
Les dépassements d’honoraires des médecins ne constituent pas l’unique cause de l’augmentation des restes à charge, mais ils en représentent la vision la plus ressentie par les usagers. Sur ce sujet, le rapport détaille les constats suivants :
- Une très faible part de généralistes pratique les dépassements d’honoraires (3 % contre 9,5 % au niveau national).
- Une part importante du nombre de médecins spécialistes font le choix de cette pratique (36 %).
- Un taux d’adhésion des médecins aux contrats de maîtrise des dépassements d’honoraires en augmentation (43 % des médecins pratiquant des dépassements) avec néanmoins des taux de différences d’adhésion très importantes entre spécialités.
Le rapport note que la région Pays de la Loire se situe au-dessus de la moyenne nationale (environ + 10 %) en pourcentage de médecins spécialistes pratiquant une modération des dépassements.
En ce qui concerne les actes chirurgicaux réalisés dans les établissements privés, le rapport souligne une croissance continue du nombre d’actes réalisés avec suppléments, avec une hausse importante des dépassements moyens pour certains actes.
À titre d’exemple, 54 % des actes médicaux réalisés sur le bulbe oculaire sont réalisés avec supplément (32,5 % en 2012) et le dépassement moyen se situe à 146 € (125 € en 2012).
Le rapport conclut que si effectivement les contrats de maîtrise de dépassements d’honoraires ont permis de stopper leur croissance continue, à la fois en nombre d’actes et en montants individuels depuis 15 ans, il reste que cette pratique tarifaire pèse de façon importante dans le reste à charge des patients.
« Cette banalisation du dépassement d’honoraires, cumulée avec la hausse des coûts des complémentaires de santé, en particulier pour les personnes âgées, pose la question du reste à charge, question liée naturellement à celle du renoncement aux soins ».
La démographie médicale
Les précédents rapports ont pointé les difficultés d’accès à un médecin, qu’il soit généraliste ou spécialiste, avec de fortes inégalités géographiques. Le même constat pourrait d’ailleurs être fait pour d’autres professions médicales comme les chirurgiens-dentistes, ou les infirmiers.
La légère augmentation du nombre de médecins généralistes dans la région ces dernières années (1 % sur 5 ans) est souvent mise en avant. Mais force est de constater que certains territoires ruraux ou de périphérie d’agglomération urbaine enregistrent toujours des baisses du nombre de médecins, malgré toutes les incitations financières mises en place.
L’accès à un médecin spécialiste interpelle également dans huit des neuf spécialités les plus fréquemment consultées : les densités de professionnels sont inférieures de 24 à 31 % à celles enregistrées au niveau national.
De nombreuses mesures sont prévues dans le Projet régional de santé, pour tenter d’améliorer la situation (exercices coordonnés, mise en place d’assistants médicaux, transferts de tâches, incitation financière à l’installation). Mais ces mesures auront-elles un impact pour permettre à chaque Ligérien d’avoir accès à un médecin traitant, à un spécialiste, voire à des professions paramédicales ?
Le fonctionnement des services d’urgences
La croissance continue depuis plusieurs années du nombre de visites aux urgences (encore + 2 % en 2019) place les services des urgences de notre région en extrême tension. Cela ne contribue pas à améliorer les conditions de séjours et de soins des patients concernés.
Cette tension sur l’activité des urgences s’est traduite par des mouvements sociaux dans ces services en 2019. Ils ont conduit le gouvernement à prendre des engagements. Ainsi, le programme de mesures appelé « pacte de refondation des urgences » est en cours de déploiement en Pays de la Loire. Il comporte plusieurs mesures susceptibles d’améliorer la prise en charge des usagers ayant besoin d’un recours non programmé aux soins : mise en place d’un service d’accès aux soins, renforcement des compétences des professionnels paramédicaux dans les services des urgences, amélioration de la prise en charge des personnes âgées en amont et en aval des urgences, développement des maisons médicales de garde à proximité directe des services d’urgence.
Ces mesures n’auront un réel impact que si tous les professionnels libéraux et hospitaliers ont la volonté de travailler en interaction, pour répondre aux besoins réels de la population.
Droit à l’information
En ce qui concerne l’accès au dossier médical dans les établissements de santé, les procédures d’accès se sont améliorées depuis plusieurs années (11 100 demandes en 2019). On observe toujours quelques difficultés pour respecter les délais de transmission prévus, et quelques incompréhensions lors de demandes d’accès par les ayants droit.
En revanche, la remise de la lettre de liaison à la sortie d’hospitalisation est insuffisamment pratiquée. Les indicateurs de qualité montrent des évaluations à la fois inférieures aux résultats nationaux et une notation éloignée des standards attendus, pour les établissements concernés des Pays de la Loire. Il reste pour ces établissements de très importants progrès à réaliser pour faire de la lettre de liaison un outil complet et efficace, pour les usagers comme pour les professionnels de santé.
Le déploiement du dossier médical partagé (DMP)
Un important travail de fond est actuellement réalisé par l’assurance maladie pour mettre en place les conditions d’un véritable outil numérique de santé, au service des professionnels de santé et des usagers, afin d’améliorer en particulier la coordination des soins.
L’adhésion à l’extension de la messagerie sécurisée et le réflexe d’alimentation du DMP par les professionnels révèlent qu’un travail important reste encore à réaliser.
Pour l’usager, l’enjeu pour le DMP n’est désormais plus son ouverture (d’autant que celle-ci sera automatique dans quelques mois, sauf refus explicite de l’usager). Le problème demeure plutôt l’alimentation par les professionnels et les établissements, car aujourd’hui seulement 8 % des 500 000 DMP ouverts dans la région sont complétés par des informations médicales.
Avec la mise en place de « Mon espace santé » dans quelques mois, une nouvelle étape va être franchie vers la numérisation de nos données de santé. Un travail d’information, de conviction, d’accompagnement des usagers va être nécessaire.
Aujourd’hui, de nombreux freins existent pour le développement d’un espace numérique de santé. D’une part, les professionnels et établissements sont confrontés à des difficultés techniques, au manque de temps et d’adhésion à ces évolutions. D’autre part, on observe des difficultés d’adhésion, des doutes sur la sécurité des données, une fracture numérique, chez les usagers.
La participation au dépistage du cancer
Pour le dépistage du cancer du sein chez les femmes de 50 à 74 ans, le taux national de participation au dépistage est de 48,6 %. Après avoir augmenté jusqu’en 2011-2012 pour atteindre un pic à 52,4 %, la participation diminue lentement depuis. Cette baisse s’observe pour toutes les tranches d’âge. Elle est particulièrement marquée chez les 55-59 ans, dont le taux de participation est le plus bas. Au niveau régional, le taux de participation est de 56,4 %, supérieur à la moyenne nationale, mais également en baisse au fil des années (64 % en 2012).
Pour la participation au dépistage du cancer colorectal chez les 50 à 74 ans, le taux national de participation reste de 30,5 % (très inférieur à l’objectif européen de 45 %). L’amélioration de la participation, qui était attendue avec le passage au test immunologique, ne s’est donc pas confirmée.
Dans la région, le taux de participation s’établit à 36 %. Le taux de personnes révélant un test immunologique positif se monte à 3,8 %, ce qui montre la nécessité d’opérer les tests préconisés.
Les pénuries de médicaments
Le collectif France Assos Santé des Pays de la Loire a conduit une enquête sur les pénuries de médicaments dans la région, en décembre 2020 et janvier 2021, avec l’appui d’un groupe d’étudiants de master 2 “Pilotage des politiques et actions en santé publique”. L’enquête incluait des entretiens avec des acteurs régionaux et nationaux, des questionnaires en ligne auxquels ont répondu 101 pharmaciens d’officine et 115 médecins généralistes de la région.
L’enquête révèle des tensions d’approvisionnements importantes au sein des Pays de la Loire : tous les pharmaciens interrogés ont affirmé y être confrontés au moins une fois par semaine en officine (notamment pour les vaccins, certains antibiotiques, antiparkinsoniens, et certains anticancéreux). Les pharmaciens arrivent à pallier ces dysfonctionnements par leurs connaissances des circuits d’approvisionnement, avec la commande de stocks plus importants, changement de traitement, “dépannage” entre pharmaciens. En revanche, les médecins sont moins au fait de celui-ci, quoique 40 % d’entre eux soient confrontés à cette difficulté au moins une fois par semaine.
E-Santé et fracture numérique
De nouveaux usages attestent d’une dématérialisation de plus en plus importante des données de santé. Parmi ceux-ci : la prise de rendez-vous en ligne (majoritairement sur DOCTOLIB), les téléconsultations, le dossier médical partagé (DMP), l’accès aux résultats d’examens ou de prescriptions médicales sur les plateformes des laboratoires, la réponse au questionnaire de satisfaction suite à une hospitalisation, la question du passe sanitaire et notamment de l’utilisation d’un QR-code avec son téléphone.
Cette dématérialisation peut permettre une amélioration de l’accès et du suivi des soins, si celle-ci est systématisée par tous les acteurs et professionnels de santé, et bien encadrée.
Toutefois, elle pose plusieurs questions éthiques. Parmi celles-ci, la fracture numérique apparaît comme un point particulièrement sensible à prendre en compte : il faut désormais être doté (et savoir se servir) d’un ordinateur, d’internet, d’un smartphone, d’une imprimante à son domicile afin d’accéder à un parcours de soin. Selon l’INSEE, 17 % de la population n’a pas accès à internet ou ne sait pas utiliser les outils numériques.
La dématérialisation peut ainsi renforcer les inégalités sociales d’accès aux soins.
Des accompagnements, formations, doivent être réalisés afin d’éviter les non-recours aux droits des personnes âgées, ou moins diplômées, à revenus modestes, étrangères, sans domicile fixe.
De plus, la dématérialisation pose la question de l’évolution du rapport des patients aux professionnels et lieux de santé, ainsi que celle de l’injonction progressive et affirmée d’être acteur et autonome dans sa santé.
En conclusion
Ce rapport montre que des progrès ont été réalisés au cours de ces 20 dernières années dans le respect du droit des usagers, notamment l’information ou la prise en considération des choix des patients. Mais il souligne aussi toute la fragilité organisationnelle de notre système de santé, encore plus mise en évidence par la crise sanitaire. De nombreuses actions sont mises en place par l’Agence régionale de santé pour répondre aux défis, comme l’implantation des professionnels de santé dans les territoires en déficit. Mais l’impact des mesures prises dans plusieurs domaines n’est pas concrètement perçu par les Ligériens.l